Les lampions vont s’éteindre, demain vendredi, sur la 32ème édition de la Coupe d’Afrique des Nations avec le rude choc entre l’Algérie et le Sénégal. Cette finale inédite opposera l’attaque la plus prolifique à la défense la plus hermétique de la compétition.
Les Fennecs tenteront de décrocher une seconde étoile là où les Lions viseront le Graal. Jusque-là, l’Algérie de Djamel Belmadi ne fait pas dans le détail : cinq victoires, un nul (1-1 TAB 4-3 en quarts de finale contre la Côte d’Ivoire), douze buts marqués et deux encaissés en six rencontres. Cette performance de haute volée a permis aux Fennecs d’accéder de nouveau à la finale de la grand-messe du foot africain après 29 années de galère.
De son côté, Aliou Cissé a offert à son pays une finale de Can, 17 ans après celle perdue en 2002 contre le Cameroun (0-0, TAB 3-2). Avant cette prouesse, le natif de Ziguinchor (480 km au sud de Dakar) a qualifié le Sénégal à la Coupe du monde 2018, 16 ans après la belle épopée en Corée du Sud et au Japon. Mais cette finale de rêve sera une autre paire de manches.
« L’Algérie survole les débats depuis le commencement de la Can. Cette équipe nous a battus en phase de groupes (0-1). Les Lions doivent tirer les enseignements de cette défaite. Il leur faut un nouvel état d’esprit pour remporter cette finale », a décortiqué l’ancien international sénégalais Cheikh Sidy Bâ.
Cette der est une consécration pour les sélectionneurs Cissé et Belmadi. En Afrique, les techniciens locaux ont pendant longtemps été relégués au second plan au profit des « sorciers blancs ». Cette donne change peu à peu. A la Can Egypte 2019, onze équipes nationales sur vingt-quatre avaient à leur tête des entraîneurs africains.
Mieux, deux d’entre eux, Aliou Cissé et Djamel Belmadi se disputeront la coupe. Ce n’était plus arrivé depuis la Can 1998 accueillie par le Burkina Faso. Il y a 21 ans exactement, Mahmoud Al-Gohary et Matsilela Ephraïm Sono dit Jomo Sono, respectivement coachs de l’Egypte et de l’Afrique du Sud s’affrontaient en finale. Les Pharaons avaient pris le dessus (2-0).
Duel fratricide pour une couronne
Belmadi et Cissé ont prouvé, s’il en était encore besoin, l’expertise africaine. Ces deux techniciens ont grandi ensemble à Champigny-sur-Marne (commune d’Île-de-France, Paris). Si le stratège des Fennecs y a vu le jour, le sélectionneur des Lions est, quant à lui, arrivé dans la capitale française à l’âge de 9 ans. Ils sont nés la même année (1976) à un jour d’intervalle : le 24 mars pour Cissé et le 25 pour Belmadi.
Retraité des terrains en 2009, Aliou Cissé a entamé sa carrière d’entraîneur en 2012 avec la sélection olympique du Sénégal comme adjoint d’Abdou Karim Séga Diouf. L’année d’après, il a décroché une médaille de bronze avec l’équipe nationale des moins de 20 ans aux Jeux de la Francophonie à Nice (France).
Après le fiasco de la Can 2015, la fédération a décidé de limoger le Français Alain Giresse puis de confier la sélection à l’ancien capitaine de la génération 2002. Depuis lors, le coach aux dreadlocks ne cesse d’écrire sa légende : 44 matchs toutes compétitions confondues, 28 victoires, 11 nuls et 5 défaites seulement.
En dix rencontres de Coupe d’Afrique des Nations (quatre en 2017 et six en 2019), Aliou Cissé s’est imposé à sept reprises, a concédé deux nuls et s’est incliné une fois. Les Lions ont planté quatorze banderilles, pris trois buts et effectué huit clean sheets. Une véritable forteresse !
Formé au Paris Saint-Germain, Djamel Belmadi a entre autres défendu les couleurs de Valenciennes, Celta Vigo et Manchester City. Devenu coach en 2010, l’ancien milieu offensif a déjà épinglé plusieurs trophées à son tableau de chasse.
L’ex-international algérien (20 sélections, 5 buts) a remporté neuf coupes dont quatre titres de champion du Qatar. Belmadi a aussi fait ses preuves avec la sélection qatarie avec laquelle, il a conquis une Coupe du Golfe et un Championnat d’Asie de l’Ouest.
Ces probants résultats ont persuadé la Fédération Algérienne de Football (FAF) du talent de l’ancien numéro 10 des Fennecs. Il est finalement nommé sélectionneur national en juillet dernier. C’est le début de la métamorphose.
Une Algérie new look
Qu’elle est envoûtante la team façonnée par Djamel Belmadi. L’Algérie possède une attaque de feu avec une moyenne de deux pions par match dans cette Can. Au-delà des statistiques, c’est la manière qui force le respect. En effet, les protégés de l’ancien joueur de l’Olympique de Marseille se distinguent par leur jeu ultra offensif où s’associent intelligence tactique, combativité et dextérité.
« Celui qui ne se donnera pas à fond en sélection ne sera plus convoqué et cela quels que soient son statut et le club dans lequel il joue », avait martelé Djamel Belmadi en août 2018. Intransigeant, le coach des Fennecs a même écarté de son groupe, quelques jours avant l’entame du tournoi, le milieu de terrain Haris Belkebla qui a montré ses fesses dans une vidéo diffusée en direct sur le réseau social Twitch.
La méthode de Belmadi n’a pas tardé pas à donner satisfaction. Dans les cages, Raïs M’Bolhi démontre qu’il a de beaux restes. Aïssa Mandi se montre intraitable en défense. Au milieu, l’expérimenté Adlène Guedioura bien assisté par le jeune Ismaël Bennacer, dicte sa loi. Et le trio Belaïli-Bounedjah-Mahrez sort le grand jeu en attaque pour dynamiter les défenses adverses.
Le capitaine Riyad Mahrez, auteur de 3 buts dans cette Can, a franchi un palier en équipe nationale. Face au Nigeria, il a magistralement exécuté un coup franc à l’entrée de la surface pour arracher la qualification en finale. L’Algérie peut aussi se targuer d’avoir une profondeur de banc avec des remplaçants à l’efficacité clinique comme Adam Ounas (3 buts) et Islam Slimani (1 but).
« L’Algérie a une équipe complète sur toutes les lignes. Les Fennecs sont très techniques et mobiles. La meilleure stratégie pour le Sénégal est celle qui les empêchera de développer leur football. Il faudra être au top. Une finale, on la joue pour gagner », a préconisé Cheikh Sidy Bâ, ancien joueur du Jaraaf de Dakar.
S’il y a une sélection africaine que le Sénégal n’arrive plus à battre depuis plusieurs années, c’est bien l’Algérie. Les deux pays se sont frottés à 22 reprises : 13 victoires pour les Fennecs, 4 pour les Lions et 5 nuls.
Le 27 juin dernier, lors de la deuxième journée de la poule C, l’Algérie a surpris le Sénégal grâce à un but du dribbleur fou Youcef Belaïli en début de seconde période. Dans cette confrontation, les Fennecs ont minutieusement appliqué la philosophie de Belmadi selon laquelle, il n’y a jamais de « succès sans sacrifice et solidarité ».
Pour autant, Cheikh Sidy Bâ, quart de finaliste de la Can 2000 (défaite 2-1 face au Nigeria), a décelé quelques failles dans cette sélection. « Les deux latéraux ne sont pas à la hauteur de l’équipe. Si on utilise bien les couloirs, on mettra en difficulté les Fennecs. Dans la défense centrale, il faudra provoquer Djamel Benlamri », a-t-il souligné.
Ayant loupé une finale de Coupe d’Afrique des Nations en 1980 face au Nigeria (3-0), l’Algérie s’est rachetée dix ans plus tard chez elle. Pour se hisser en finale, le pays hôte a dominé le Sénégal (2-1). Ce jour-là, dans un stade hostile, les Lions ont concédé l’ouverture du score mais sont parvenus à effacer l’ardoise.
A en croire l’ancien milieu de terrain Lamine Sagna, la star de l’Algérie Rabah Madjer a dit à feu Jules François Bocandé : « Vous voulez nous battre ? Vous avez vu le stade ? Si vous nous battez, personne ne sortira vivant du stade. On va nous tuer ».
Cette fois-ci, il y aura bel et bien une bataille équilibrée au Stade international du Caire entre le Sénégal et l’Algérie. Pour l’une ou l’autre formation, le sacre continental serait exceptionnel.
ID/te/APA