L’adresse à la nation, la veille du président de la République sur la crise sécessionniste anglophone, trône en couverture des journaux camerounais parus mercredi.
«J’ai décidé de convoquer, dès la fin du mois en cours, un grand dialogue national», «Paul Biya annonce un grand dialogue national», «Paul Biya convoque le dialogue national», «Paul Biya convoque le grand dialogue», «Nord-Ouest et Sud-Ouest : place au dialogue», «Retour de la paix dans le NO/SO : Paul Biya plante le décor du dialogue», «Un discours de fermeté pour enfin convoquer un dialogue national !», «Dialogue national sur fond de menaces», «Discours présidentiel : les grandes concessions de Paul Biya aux Anglophones» sont les principales manchettes d’Essingan, Défis Actuels, L’œil du Sahel, L’Essentiel, Cameroon Tribune, InfoMatin, The Guardian Post, La Voix du Centre et Le Soir.
En réponse aux nombreux appels pour un dialogue en vue de résoudre la crise qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le chef de l’État vient d’annoncer la tenue avant fin septembre des assises d’un dialogue national autour de thèmes susceptibles de ramener la paix dans cette partie du pays, débute L’Essentiel, précisant que la décentralisation sera en réalité au cœur des préoccupations.
Dans un discours inhabituel, le locataire du palais présidentiel d’Etoudi a évoqué les moyens de mettre non seulement fin aux exactions du mouvement indépendantiste qui sévit dans cette partie du pays, mais aussi de réconcilier tous ces sécessionnistes autoproclamés avec leur République, renchérit Défis Actuels.
L’offre de paix de Paul Biya reste de mise pour sortir de la crise anglophone, constate La Météo, reprenant à son compte cette évocation présidentielle d’un sentiment de marginalisation qu’éprouveraient les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et qui serait le prétexte de la crise anglophone.
À l’intention de ses compatriotes desdites régions, mais également à ceux du reste du Cameroun, le chef de l’État a rappelé que la marginalisation, l’exclusion ou la stigmatisation n’ont jamais inspiré l’action de ses différents gouvernements, depuis le 6 novembre 1982 et son accession à la magistrature suprême.
L’équilibre régional que prône le président de la République, appuie le quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune, ne devrait en aucun cas être confondu aux pratiques déviantes telles que le népotisme, le favoritisme et toutes autres dérives nocives au bon d’un État moderne.
Mais là semble s’arrêter le flot de satisfécits. Il suffit en effet d’ouvrir le bihebdomadaire Aurore Plus, sous le titre «Biya snobe tout le monde», pour déplorer qu’en dehors de l’annonce de la tenue prochaine d’un dialogue national, beaucoup de supputations des observateurs ont été balayées d’un revers de la main, notamment la grâce aux leaders anglophones actuellement emprisonnés à une peine à perpétuité : «Une fois de plus, Paul Biya reste constant dans sa position. Le Cameroun reste uni et indivisible et les ennemis de la nation seront punis sans état d’âme.»
«Dialo… gong», moque Mutations : en incluant les groupes armés aux négociations, Paul Biya met définitivement en minorité ceux qui, jusqu’ici, estimaient que ces combattants armés n’étaient pas les bienvenus sur la table du dialogue. Des promesses, et encore des promesses, soupire le quotidien à capitaux privés de langue anglaise The Guardian, dont les analyses ne plaident pas franchement pour l’optimisme.
Pour Le Messager, cette histoire relève du «pétard mouillé» en ce sens que les grandes attentes du discours présidentiel restent insatisfaites. Et Le Jour de rappeler un épisode pas encore très éloigné de la vie nationale lorsque, en fin 1992, pour mettre un terme aux troubles sociopolitiques ayant accompagné la réinstauration du multipartisme, Paul Biya fit convoquer une grande réunion «Tripartite» présidée, comme pour les prochaines assises, par son Premier ministre.
Le pouvoir céda sur les libertés publiques, la limitation des mandats présidentiels, la mise sur pied d’un certain nombre d’institutions et, pour le grand soulagement du pouvoir en place, la rue lâcha du lest et le biyaisme fut sauvé. Mais les années qui ont suivi ont montré l’intention qu’il y avait derrière cette manœuvre : gagner du temps, se repositionner en selle, et repartir.
Aujourd’hui, sérieusement ébranlé par la crise anglophone, le même pouvoir, avec la même tête, remet le même couvert. Pour le même menu.
«A l’observation, le discours prononcé hier soir l’eut été il y a 3 ans que la crise anglophone, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’aurait jamais été connue. Plus de 2000 morts plus tard, la solution proposée peu être taxée de ce « trop peu, trop tard » que l’on entend souvent dans les négociations de ce type. Les hésitations observées, les précautions et le temps pris, les « conseils », selon l’aveu même de M. Biya, prouvent que cette sortie n’est pas le fruit d’une initiative de ce dernier. Il y a été contraint, contraint de prendre ce risque. Le risque de cette sortie, c’est que, c’est la dernière cartouche du président sur cette question.»
FCEB/cat/APA