Les journaux camerounais parus jeudi s’épanchent sur les réactions locales et internationales, en rapport avec l’annonce mardi par le chef de l’État de l’ouverture d’un dialogue national sur la crise anglophone.
À s’en tenir à la principale manchette du quotidien à capitaux publics Cameroon Tribune («Grand dialogue national : approbation générale»), on pourrait croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, la communauté nationale et internationale saluant de concert l’initiative de Paul Biya. Son confrère L’Épervier ne dit pas autre chose, affichant fièrement les réactions positives des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac).
Même le cardinal Christian Tumi, dont on sait les rapports tendus avec le pouvoir de Yaoundé est, pour emprunter à l’hebdomadaire satirique Le Popoli, «séduit» par ledit projet. Essingan et InfoMatin ne disent pas autre chose, estimant que le temps de la paix est venu pour les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, meurtries par la guerre sécessionniste depuis trois ans.
Les choses semblent plus contrastées dans les colonnes de Le Messager et Le Jour, qui présentent une classe politique nationale plutôt divisée sur la question. «Oui au dialogue, non au gouvernement actuel», titre La Revue qui dénonce des élites vomies, impopulaires et égocentriques, invitant par ailleurs le chef de l’État à s’impliquer personnellement pour la réussite de ce forum nationale.
Quant aux populations des zones sinistrées, elles sont, selon Mutations, partagées entre espoir et méfiance vis-à-vis d’un régime qui n’inspire que très peu confiance. C’est «le dialogue, taille patron», ironise en outre la publication, dans la mesure où le chef de l’État est le seul à désigner le médiateur en chef, à circonscrire tout seul les sujets et acteurs de la concertation nationale, le fédéralisme et la crise postélectorale étant, du coup, en ballottage défavorable.
«Les expériences de politiques de sortie de crise ailleurs nous montrent que dialoguer avec des personnes non recommandables ou des leaders autoproclamés et non-identifiés peut avoir de fâcheuses conséquences sur l’issue même du dialogue. Sous ce rapport, la question de l’interlocuteur est cruciale», explique, dans Cameroon Tribune, le politologue et enseignant d’université Manassé Aboya Endong.
Et d’évoquer la difficile identification de l’interlocuteur fiable et de bonne foi, depuis que l’idée d’un dialogue est lancée : entre la surenchère et les revendications porteuses de division aux relents de propagande sécessionnistes, les leaders autoproclamés entretiennent une cacophonie dissonante de par leurs prétentions et leurs revendications.
FCEB/cat/APA