Dans la course à la présidentielle ivoirienne de 2020, la candidature déclarée de l’ex-chef de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro (47 ans), « n’est pas prématurée » vu sa « haute expérience d’homme politique », estime l’analyste politique Louis Magloire Keumayou.
M. Soro, transfuge du Rhdp (Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix), le parti présidentiel en Côte d’Ivoire, n’a pas d’appareil politique, notamment un parti officiel, ce qui suscite des interrogations, de savoir si sa candidature est opportune, prématurée ou justifiée.
Pour Louis Magloire Keumayou, président du Club de l’information africaine et ancien directeur de l’information de la chaîne Télé Sud, le critère pour briguer la magistrature suprême est celui de la «capacité à avoir les moyens de sa politique ».
La candidature de M. Soro dévoilée dans des déclarations « n’est pas prématurée (et) il n’y a jamais de candidature prématurée », à l’instar de celle du président français Emmanuel Macron qui semblait l’être, pourtant il a gagné le scrutin devant des acteurs politiques reconnus.
Du milieu associatif, Guillaume Soro, secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), le principal syndicat estudiantin, a été dans la rébellion avant de devenir un homme politique après avoir été plusieurs fois ministre, Premier ministre puis chef de l’Assemblée nationale.
«L’étape présidentielle ne sera qu’une marche de plus à franchir pour lui », estime Louis Magloire Keumayou, interrogé par APA. Toutefois, il devra « fédérer tout le monde au sein du Rhdp où il a des ennemis, ainsi que dans la mouvance Gbagbo, où il a aussi des ennemis et au niveau du pays de façon générale ».
L’analyste politique Louis Magloire Keumayou, soutient que « les gens ne vont pas oublier qu’il a du sang sur les mains et qu’il doit rendre compte de tout cela ». Un facteur qui amène d’ailleurs M. Guillaume Soro à proclamer dans ses discours le « pardon » et la réconciliation nationale.
Créer la proximité
Conscient que la proximité pourrait le conduire à une acceptation dans l’imagerie populaire en Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, ne manque pas d’occasion de parrainer des activités à travers le pays, profitant pour se tisser une toile.
L’ex-chef de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, qui a démissionné de son poste en février 2019 pour divergence de vision avec le Rhdp, veut se frayer sa voie, prendre son destin en main et construire son appareil politique pour briguer la magistrature suprême.
En Côte d’Ivoire, comme à l’étranger, des clubs de soutien sont ficelés. Le 12 octobre 2019, à Valancia, en Espagne, M. Soro a procédé au lancement d’un lien d’adhésion à Générations et peuples solidaires (GPS), un mouvement politique visant à « gagner » l’élection présidentielle ivoirienne de 2020.
GPS, créé au travers d’un élan « participatif » des citoyens, se veut un éventail représentatif de la Côte d’Ivoire, a dit M. Guillaume Soro, devant des ressortissants Ivoiriens à Valencia à l’occasion d’une rencontre dénommée « Crush party 2019».
Pour Guillaume Soro qui veut « faire la politique autrement » dans son pays, il s’agit de donner la possibilité aux Ivoiriens d’écrire le GPS, un think tank où tous se frottent les têtes pour trouver des solutions pour le développement du pays parce qu’il n’est « pas Soro solution ».
Affichant la sûreté dans sa course, Guillaume Soro, assure avoir encore « 30 ans à 40 ans de vie politique » devant lui, contrairement à ceux qui clament qu’il est « fini ». GPS dont il est le président, a également pour but de fédérer tous les mouvements Soroïstes.
Le paysage politique ivoirien compte trois grands partis politiques (à savoir le Rhdp, le Pdci et le FPI). Et, pour arriver à la présidence de la République, une alliance s’impose entre deux formations. M. Soro, lui, s’est rapproché d’Henri Konan Bédié, le leader du Pdci, chef de file de la plateforme de l’opposition.
Proche de la Coalition pour la démocratie, la réconciliation et la paix en abrégé (CDRP, plateforme de l’opposition), Guillaume Soro, qui a un électorat au sein du Rhdp, veut avoir une sympathie des militants de ce regroupement politique, ce qui pourrait lui donner une onction plus étendue.
Ivoirien, donc « légitime pour être candidat à la magistrature suprême », Guillaume Soro a une étoffe aujourd’hui pour le faire. En revanche, « on ne peut être destin de rien en politique », car même crédité auparavant à 99%, on peut perdre une élection le jour du scrutin, fait observer M. Keumayou.
« Soro n’a pas préparé sa candidature »
« Je suis convaincu que M. Guillaume Soro n’a pas préparé sa candidature (car) quand on essaie d’analyser son parcours, sa trajectoire jusqu’aujourd’hui, je ne suis pas convaincu qu’il y ait des éléments qui peuvent convaincre qu’il peut présenter une candidature sérieuse vis-à-vis du Rhdp », affirme le politologue Claude Nahi Pregnon.
Selon M. Pregnon, enseignant-chercheur au département de droit à l‘Université Peleforo Gon Coulibaly de Korhogo (nord ivoirien), « M. Soro est un acteur politique issu du Rhdp et jusqu’à un passé récent, n’a pas imaginé sa trajectoire en dehors du Rhdp ».
Quand on est candidat, on compte sur un électorat, or « l’électorat naturel de M. Soro a toujours été l’électorat du Rhdp », le parti présidentiel, a fait observer M. Pregnon, pour qui « cette candidature n’a pas été ficelée, (car) il est resté dans les girons du Rhdp, espérant y évoluer ».
« Avec la rupture depuis quelques moments, ce n’est pas évident qu’il puisse retourner cet électorat à son compte, à la limite on peut dire que c’est dans le Nord, dans sa région où il a une audience », qu’il peut revendiquer une base, quand le Rhdp « grignote » des bases dans tout le pays, a-t-il dit.
La candidature de M. Soro, a maille à partir avec la majorité présidentielle dans la mesure où il se plaint d’ailleurs d’un harcèlement de la part du gouvernement ivoirien, relève-t-il, affirmant considérer cette candidature comme « prématurée parce qu’elle peut servir de moyen de protection » politique.
Dans un entretien avec France 24 et RFI (Radio France internationale), Guillaume Soro a déclaré avoir décidé de se présenter à l’élection présidentielle d’octobre 2020, ajoutant avoir des craintes pour la stabilité du pays avec la nouvelle Commission électorale indépendante (CEI).
AP/ls/APA