La disparition, la veille de l’un des piliers du régime en guerre contre la sécession des régions anglophones, émeut les journaux camerounais parus lundi, dans un climat politique et économique qui suscite également des inquiétudes.
«Ekema Patrick est mort», «Mairie de Buea : Patrick Ekema est mort», «Patrick Ekema raccroche son écharpe», «Dimanche noir à Buea, après la mort brutale de Patrick Ekema», «La nation est sous le choc, après la mort de Patrick Ekema Esunje», «Patrick Ekema : mort d’un grand patriote», «Ekema Patrick Esunje : il était une foi», «Maire Patrick Ekema : et soudain il s’en alla», «Nécrologie : qui a tué Patrick Ekema ?», Le maire Patrick Ekema décède dans des circonstances troubles», «Triste coucher de soleil à Buea, après la mort du maire Ekema» sont les titres qui fleurissent en couverture de LeGideon, Cameroon Tribune, Défis Actuels, Eden, The Guardian Post, L’Essentiel, Mutations, The Post, InfoMatin, The Star et The Advocate.
Reconnu comme un grand patriote et le symbole de la résistance face aux sécessionnistes, le maire de Buea est décédé hier à l’âge de 46 ans des suites d’un accident vasculo-cérébral, annonce sobrement L’Essentiel. Le Cameroun vient de perdre un de ses vaillants «soldats» de la lutte contre la partition des régions anglophones, acquiesce Défis Actuels.
La mort subite du délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Buea laisse tout le monde stupéfait, constate Aurore Plus, lui que d’aucuns qualifiaient d’artisan de la paix et de la stabilité sociale ou encore de combattant acharné des séparatistes anglophones, et qui s’était illustré par d’incessantes actions contre les «villes mortes» imposées par les sécessionnistes dans sa ville.
«Avec lui, renchérit InfoMatin, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) perd un de ses piliers. Surtout, depuis trois ans, Patrick Ekema était ouvertement en première ligne du combat pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale du pays. Bravant l’obscurantisme sécessionniste, il avait été plusieurs fois menacé de mort par les activistes ambazoniens.»
Mais à qui profite cette disparition ? ose The Guardian Post pour qui le président Paul Biya de perdre un de ses bras séculiers en zone anglophone. Et son confrère Mutations de se lancer dans la trajectoire d’un «guerrier», l’une des rares élites résidant dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, à braver ouvertement les visées sécessionnistes de sa communauté.
Le maire Ekema s’en va au moment où la «sale guerre sécessionniste», selon les termes de Le Messager, commence à peser très lourd non seulement sur le plan humain, mais également en terme de pertes économiques et financières. La guerre dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest fait perdre beaucoup de ressources à l’État, résume Défis Actuels : pour la seule année 2017, la crise a fait perdre un demi-point de croissance au Cameroun.
Il n’est pas exclu que le sujet soit au menu des discussions qu’annonce Cameroon Tribune, entre le gouvernement et la mission du Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre de la 5ème d’évaluation des réformes macroéconomiques du programme économique et financier. «Grand dialogue national : le FMI demande la facture à Yaoundé», titre Intégration sur le même sujet : entre autres conditions à l’entame des pourparlers, l’institution financière exige la présentation détaillée des états financiers des assises tenues du 30 septembre au 4 octobre 2019 dans la capitale, Yaoundé, avec comme point de mire la fin de la guerre sécessionniste anglophone.
Entre l’économie et la politique, Le Messager consacre sa principale manchette au secrétaire général de la présidence de la République (SG/PR), Ferdinand Ngoh Ngoh, qui vient d’humilier Paul Biya à travers des «manœuvres souterraines», visant à évincer le groupe français Bolloré du terminal à conteneurs du Port autonome de la métropole économique, Douala (PAD).
La suspension du processus de concession de cette place portuaire est un coup dur pour l’attractivité de l’économie nationale, tranche EcoMatin. À la vérité, M. Ngoh Ngoh est «un poison» au palais présidentiel, s’emporte à son tour Aurore Plus : Cet homme, sans doute le SG/PR le plus détesté, le plus impopulaire et le plus controversé sous l’ère Biya, s’est bâti de solides réseaux d’influence le rendant parfois plus redouté que le chef de l’État en personne. Il s’agit d’«un pouvoir sans limites, donc, dont on dit qu’il relève lui-même de personnes tout aussi influentes dans le premier cercle du président de la République.»
«Connu pour sa proximité avec la première dame, Chantal Biya, le ministre d’État passe désormais pour être le vice-président de la République, le Premier ministre-chef du gouvernement devenant alors un illustre gadget au sein des institutions. Il semble disposer de pouvoirs et d’une immunité sans limites, qui en font monstre sans scrupules au cœur d’un système en état de décomposition avancée.»
Il s’agit d’une sorte de vice-Dieu, répond en écho L’Indépendant, alors que The Guardian Post met en garde contre une réputation plutôt surfaite sur fond de règlement de comptes et de lynchage médiatique.
FCEB/cd/APA