Face aux dérives radicales et au fanatisme qui se manifestent le plus souvent par la violence et le terrorisme dans le monde, « l’éducation et la tolérance restent les meilleurs remparts », selon l’Imam sénégalais Ahmadou Makhtar Kanté interrogé par APA. Cet article a été initialement publié le 10 novembre 2019.
« Tout est bon dans l’islam : les versets, les hadiths, les productions des oulémas de toutes les générations qui peuvent permettre d’enseigner un islam de paix, de tolérance, de civilisation et qui apporte sa contribution pour le meilleur de l’humanité » a indiqué Imam Kanté.
L’Islam soufi, particulièrement marqué par le confrérisme au Sénégal, est souvent mis en avant pour expliquer la stabilité que connait ce pays de l’Afrique de l’ouest au point d’être considéré par certains observateurs comme une solution face à la flambée des violences dans le monde.
Mais pour l’islamologue, « Il n’y a pas un courant de pensée islamique qui peut être l’islam lui-même : il ne peut être qu’une contribution. C’est l’islam qui est une religion de paix. Le prophète faisait de la légitime défense +et+ le soufisme est apparu bien après », a expliqué l’imam de la mosquée du Point E (Dakar).
Partant de là, le diplômé en environnement et économie solidaire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar estime qu’« il faut favoriser l’éducation et la tolérance » pour contrer toutes les formes de violences qui secouent le monde.
Soulignant le fait qu’il y a des personnes qui versent dans l’excès dans tous les courants de l’Islam, l’auteur du livre Islam, science et société écrits d’un imam africain, soutient qu’il n’est pas question d’opposer le Soufisme au Wahhabisme.
« Il faut, suggère-t-il, aller comprendre qu’est ce qui fait la spécificité de chaque courant, les conditions de son émergence mais aussi ce qui est fondamentalement le noyau de ce courant et les types de perversions que certains ont pu en faire ».
Pour l’Imam Kanté, le soufisme partage les mêmes aspirations que ceux véhiculées par le précurseur du Wahhabisme, Abdoul Wahhab. Ce dernier, à l’image des courants soufis, prêchait en faveur de la lutte contre les passions par la prière, le jeûne et l’invocation de Dieu, comme le préconise le Coran et la Sounna du Prophète (psl).
Au-delà du Sénégal, dans le Royaume du Maroc également, la dimension spirituelle et pacifique du soufisme renvoie à un Islam de paix et d’ouverture, à travers d’autres doctrines comme le malékisme.
Cependant, « ce qui ne fut pas toujours le cas dans l’histoire, puisque le maraboutisme était aussi un islam armé de résistance, voire de guerre », note de son côté le Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pierre Vermeren.
Toutefois, souligne l’historien, cette évolution est incontestable, notamment dans les milieux éduqués et de notables, qui sont à la recherche d’un islam qui les représentent, qui comble leurs attentes spirituelles et de dévotion, à l’opposé de l’islam de guerre des mouvements salafistes et surtout djihadistes.
Pour autant, relativise-t-il, le soufisme ne signifie pas toujours la paix et la prière. Il y a aussi des soufis qui sont des « frères » en lutte, et qui peuvent utiliser cette spiritualité discrète pour aller chercher des adeptes.
ARD/Dng/te/APA