Le pouvoir n’a pas lésiné sur les arguments pour que les Algériens participent massivement à la présidentielle de jeudi 12 décembre, mais…
Quel que soit le nombre d’Algériens qui ira finalement voter, on pourra tout reprocher à l’homme fort d’Alger, le général Gaïd Salah, chef d’état-major des armées et vice-ministre de la Défense, sauf de ne pas avoir tout fait pour pousser ses compatriotes à participer à la présidentielle du jeudi 12 décembre. À coup de discours télévisés adressés au grand public et de réunions avec les différents corps de l’Etat, le patron de l’armée algérienne n’a pas lésiné sur les arguments pour que les Algériens participent massivement à cette élection qui, selon lui, serait le « parachèvement irrévocable du parcours du 1er novembre 1954 », date du déclenchement de la guerre de libération nationale qui aboutira à l’indépendance du pays en 1962.
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L’insistance répétée du chef de l’armée algérienne pour que ses compatriotes se rendent « massivement (…) aux urnes » infliger « une gifle cinglante à tous ceux qui s’attaquent à l’Algérie », traduit une profonde inquiétude: celle de voir ce scrutin se traduire par un fiasco alors qu’il y tient personnellement pour «normaliser » la présidence après la démission forcée du président Abdelaziz Bouteflika.
Imposée sans consultation avec ses opposants, ce scrutin est vivement contesté par une grande partie des Algériens. Depuis le 22 février dernier, partout dans ce vaste pays aux quarante millions d’habitants, ils sont des milliers à battre le pavé chaque vendredi après la grande prière réclamant une « véritable transition démocratique » censée démanteler le système au pouvoir depuis l’indépendance.
« Organisés » dans le cadre d’un Hirak (mouvement en arabe), les Algériens étaient initialement sortis dans la rue pour protester contre une candidature à un cinquième mandat alors envisagé par le président Bouteflika dont l’état de santé était manifestement incompatible avec la fonction de chef d’Etat.
Après plusieurs semaines de manifestations pacifiques, le Hirak avait obtenu une première victoire. C’était le 26 mars. Ce jour-là, Bouteflika dont l’élection était assurée le 18 avril est « démissionné » par l’armée. Son chef, le général Gaïd Salah, jusqu’alors réputé proche du président oblige le Conseil constitutionnel à constater l’empêchement du chef de l’Etat et à procéder à l’application des dispositions prévues dans ce cas par la constitution.
Abdelkader Bensalah président du Conseil de la nation (Sénat) le remplace. Mais le Hirak ne veut pas de ce proche du président déchu. Mieux, il réclame la démission de l’ensemble des figures du régime de Bouteflika et au-delà le démantèlement de tout le système de pouvoir en place depuis l’indépendance.
L’armée croit pouvoir calmer la situation en ordonnant l’arrestation des principales figures du régime du président déchu: anciens ministres, conseillers, hommes d’affaires et personnalités, proches, dirigeants d’entreprises, entourage familial du président Bouteflika etc., la purge est massive mais elle ne calme pas les manifestants.
En juin, le Hirak obtient une seconde victoire. Sous sa pression, l’élection présidentielle prévue pour le 4 juillet est annulée par le Conseil constitutionnel qui déplore « l’impossibilité de tenir l’élection du président de la République, le 4 juillet 2019 » et demande « la réorganisation de celle-ci ».
Deux mois plus tard, le général Gaïd Salah fixe un nouveau calendrier. Cette fois, il semble décidé à faire aboutir son agenda. Sous son influence, Abdelkader Bensalah, le président par intérim, signe le décret de convocation du collège électoral et fixe la présidentielle au 12 décembre.
Cette fois, ce sont 23 candidats qui déposent leurs dossiers devant l’ANIE, l’Autorité nationale indépendante des élections, en charge de l’organisation du scrutin nouvellement créée. Cinq seulement sont retenus: les anciens Premiers ministres Abdelmadjid Tebboune et Ali Benflis, l’ancien ministre de la Culture Azzeddine Mihoubi, l’ex-ministre du Tourisme Abdelkader Bengrina et d’Abdelaziz Belaïd, président du Front el Moustakbal. Tous ont en commun d’avoir été collaborateurs ou soutiens du président Bouteflika. Une lourde étiquette dont le vainqueur parmi ces« enfants du système » aura bien du mal à se débarrasser sans grand dommage.
LOS/te/APA