En Mauritanie, comme en Tunisie ou encore en Algérie, les élections présidentielles ont constitué incontestablement l’événement phare de cette année 2019.
L’année qui tire sa révérence a été marquée par les élections présidentielles dans la région du Maghreb. La Mauritanie a ouvert le bal d’un scrutin présidentiel où six candidats se sont présentés pour la succession du président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz, qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats.
Ce scrutin a marqué la première passation de pouvoir entre deux présidents élus dans ce pays secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008, date du putsch de Mohamed Ould Abdel Aziz.
C’est ainsi que le candidat du parti de l’Union pour la République (UPR, au pouvoir), Mohamed Cheikh El-Ghazouani a été proclamé vainqueur au premier tour, avec 52% des suffrages devant les indépendants Biram Ould Dah Ould Abeid (18,59%), Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87%) et Baba Hamidou Kane de la Coalition Vivre Ensemble (8,7%).
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Les cinq rivaux de M. Ghazouani ont dénoncé des irrégularités et l’expulsion de leurs représentants de certains bureaux de vote. Mais la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a affirmé n’avoir relevé aucun incident significatif.
Trois des quatre candidats de l’opposition ont déposé un recours en annulation devant le conseil constitutionnel, appelant la Ceni à publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.
Coupant court à toute contestation, le Conseil constitutionnel a confirmé le 1er juillet 2019 les résultats, rejeté les recours pour « insuffisance de preuves » et proclamé Ghazouani vainqueur. La prestation de serment a eu lieu le 1er août.
La France par la voix de la porte-parole du quai d’Orsay a « salué le bon déroulement de l’élection présidentielle » qualifiée de « moment démocratique historique » et « félicité » le nouvel élu.
Premier chantier du président Ouled Ghazouani est de rétablir la confiance d’une partie de la population qui accuse l’ancien pouvoir d’avoir géré le pays de manière clientéliste.
Dans sa première prise de parole en qualité de chef de l’État, Mohamed Ould Ghazouani s’est voulu rassembleur et au service de tous les Mauritaniens. « Je serai le président de tous les Mauritaniens, quelles que soient leurs divergences d’opinion politique ou leur choix électoral », avait-t-il promis.
Il avait ajouté : « Je mesure l’importance des charges de la plus haute fonction de la République que le peuple mauritanien vient de me confier pour gérer ses affaires durant les années à venir. Ceci est un immense honneur pour moi. Ce choix me conforte dans ma détermination à œuvrer sans relâche pour bâtir un État fort, émancipé et solidaire. Un État où s’épanouiront les citoyens, sans distinction, dans la paix et la dignité. Un État prospère, dont les richesses sont équitablement reparties ».
En tant que chef d’état-major des armées pendant dix ans, c’est lui qui a été l’artisan de la stratégie de défense de Mohamed Ould Abdel Aziz. Et cette stratégie a payé car, dans un Sahel miné par le terrorisme, aucun incident n’a été déploré en Mauritanie depuis 2011.
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Cependant, les attentes sont énormes. Dans de nombreuses parties du pays, les besoins sont flagrants pour certaines franges de la population qui n’ont pas accès à l’eau, aux services publics de base, comme la santé ou l’éducation, et qui se sentent exclues.
Dans ce sillage, le président Mohamed Ould Ghazouani a promis de créer une Agence d’inclusion sociale, directement rattachée à la présidence de la République et dotée d’un budget de 500 millions d’euros sur cinq ans.
En Tunisie, un nouveau président vient d’être largement élu, en l’occurrence Kaïs Saïed. Cet universitaire, un néophyte en politique, est le deuxième chef de l’État élu depuis la révolution de 2011.
L’élection de Kaïs Saïed intervient après le décès en juillet du président Béji Caid Essebsin, premier président élu démocratiquement au suffrage universel en Tunisie.
Quasi inconnu sur la scène politique, sans parti politique ni moyens financiers, Kaïs Saïed, 61 ans, a été élu nouveau président de la Tunisie avec 72,71 % des voix, devançant très largement l’homme d’affaires controversé Nabil Karoui, emprisonné le 23 août pour « blanchiment d’argent » et « évasion fiscale » et libéré le 9 octobre, à la veille du second tour du scrutin présidentiel.
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Saluée par toute la communauté internationale, cette élection présidentielle a une nouvelle fois démontré que la jeune démocratie tunisienne constitue un modèle dans le monde arabe.
Il va sans dire que la Tunisie traîne encore ses séquelles économiques de 2011, et avec l’élection du nouveau président de nombreux défis s’annoncent.
Le premier défi est le chômage, puisque 15,33% de la population active est au chômage en Tunisie, dont la grande majorité sont jeunes et diplômés. Pour ce faire, la machine économique du pays doit être graissée et relancée. En effet, l’économie du pays a réellement souffert de l’instabilité politique suivant la Révolution du Jasmin et le printemps arabe, et de l’insécurité générée par la multiplication d’actes terroristes qui ont en majorité ciblé des touristes. Malgré ces événements, le tourisme en Tunisie reprend doucement mais sûrement.
Autre défi, l’amélioration du pouvoir d’achat du citoyen et des services sociaux. L’inflation a dévoré les portefeuilles des citoyens, et la dépréciation du dinar face aux grandes devises n’a rien ajouté de bon au lot. En plus de cela, les services sociaux comme la santé et l’éducation se sont dégradés à vue d’œil et le citoyen lambda en a largement souffert.
Troisième défi, le déficit budgétaire accentué par la masse salariale étatique. Sur un budget global de 47 milliards de dinars au titre de 2019, la masse salariale engrange à elle seule 19 milliards de dinars, soit 40,42% du budget, qui représente lui 40% du PIB.
De même, la dette extérieure s’est aggravée ces dernières années de plus de 70% depuis fin 2016. Et le taux d’endettement du pays dépasse les 90%.
Ce n’est pas tout, la liste est encore longue et elle comprend les décisions définitives relatives à l’Accord de libre-échange complet et approfondi entre la Tunisie et l’Union européenne, l’agriculture tunisienne et plusieurs autres réformes.
Le gouvernement tunisien est appelé à prendre en charge ces chantiers pour sortir le pays de cette crise économique dont il pâtit.
En Algérie, tout a commencé avec l’annonce de candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour un 5ème mandat. Cette annonce a déclenché un mouvement de contestation sans précédent dans ce pays de 1,5 million de martyres. Ainsi, le 22 février des centaines de milliers de personnes défilent dans les rues de tout le pays, envoyant valser pacifiquement des années de résignation. Depuis, le torrent humain ne s’arrête plus de couler et les manifestations s’enchaînent, chaque mardi (pour les étudiants) et chaque vendredi (pour tout le monde), emportant tout sur son passage : Bouteflika lui-même, poussé à la démission le 2 avril, l’élection deux fois reportée et de nombreux piliers du «système», jetés en prison.
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Mais l’institution militaire menée par l’homme fort du pays, le Général Gaïd Salah entend rester maîtresse de la transition. Elle a réussi à imposer un scrutin présidentiel le 12 décembre, malgré son rejet massif par la rue.
Cinq candidats, tous issus du clan Bouteflika, étaient en lice pour succéder à Abdelaziz Bouteflika, poussé à la démission en avril, après vingt années au pouvoir.
Et c’est enfin Abdelmadjid Tebboune (74 ans), qui a été élu au premier tour de la présidentielle avec plus de 58 % des suffrages. Il a devancé largement ses concurrents, respectivement Abdelkader Bengrina (17,38 %), Ali Benflis (10,55 %), Azzedine Mihoubi (7,26 %) et Abdelaziz Belaïd avec 6,66 %.Le scrutin a enregistré un très faible taux de participation (39,83 %).
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Pur produit du « système », Abdelmadjid Tebboune démarre sa carrière politique en 1991 par un poste de ministre délégué aux Collectivités locales sous la présidence (1979-1992) du colonel Chadli Bendjedid, après une grande expérience dans l’administration préfectorale.
Abdelaziz Bouteflika élu président en 1999, lui confie plusieurs portefeuilles, dont celui de la Communication et celui du Commerce, avant de le nommer Premier ministre en mai 2017. Mais il sera limogé au bout de trois mois, après s’être attaqué, à travers un programme de lutte contre la corruption, aux oligarques gravitant dans l’entourage du chef de l’État.
Le nouveau chef de l’État algérien a du pain sur la planche et doit faire face à la contestation populaire qui réclame la chute de tout « le système ».
HA/te/APA