Les Etats du Sahel, confrontés au péril djihadiste, doivent davantage travailler pour éviter que le terrorisme ne soit une alternative pour des populations désespérées, a soutenu, dans un entretien avec APA, Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po de Paris (France).
Comment mettre fin à la spirale de violence dans le Sahel ?
Il faut un projet politique et social en apportant des réponses au mal-être des populations. C’est le meilleur moyen pour que les terroristes, qui ont parfois de l’argent grâce aux réseaux criminels, ne soient pas ceux qui viennent pallier la défaillance des Etats. Les gouvernants doivent jouer pleinement leur rôle. C’est fondamental.
Il doit aussi y avoir une convergence entre les intérêts des Etats du Sahel et ceux de la France. Ils doivent se mettre d’accord sur les objectifs militaires. Si cela n’est pas fait, on ne parviendra pas à lutter contre le terrorisme. On l’a vu au Proche-Orient et au Moyen-Orient. On le constate en Lybie et également au Sahel.
La criminalité est présente dans le Sahel. Le terrorisme et la criminalité ont visiblement fait convergence. Les pays concernés doivent se battre contre cette double gangrène qui menace les pays.
Que pensez-vous de la réponse militaire ?
La lutte armée contre le terrorisme est essentielle pour tous les pays. C’est une priorité absolue pour le Mali car, l’Etat menace de s’effondrer. Tout de même, on peut se demander si la stratégie de l’opération Serval (puis Barkhane) est la bonne. Il semble que non ! Cela fait maintenant sept ans, mais ils ne sont pas parvenus à endiguer le terrorisme. Au contraire, il a visiblement pris l’ascendant.
Peut-on espérer une accalmie dans le Sahel sans la résolution du conflit libyen ?
Lorsqu’on évoque la situation sécuritaire au Sahel, on ne peut pas occulter la crise libyenne. Ce pays avait un immense arsenal militaire. Des groupes de divers pays qui avaient besoin de s’armer, y compris des Islamistes, sont venus se servir. La Lybie était un supermarché pour eux. Le conflit libyen a conduit à la déstabilisation du Sahel. La Lybie ne parvient toujours pas à sortir du chaos dans lequel la guerre de 2011 l’a plongée. On aurait dû aborder cette question lors du Sommet de Pau pour mettre la France devant ses responsabilités.
Justement, quel bilan tirez-vous de ce sommet ?
Cette rencontre a permis d’avancer sur des questions un peu sensibles. Maintenant, il faut voir comment cela va être perçu par l’opinion publique malienne, nigérienne, burkinabè, mauritanienne…
La France voulait clarifier les choses. Il semble qu’il y a eu des discussions en privé, mais on n’en connaît pas encore la teneur puisqu’elles n’ont pas été rapportées publiquement. Pour tenter d’enrayer la progression du terrorisme au Sahel, Emmanuel Macron a dit qu’il va envoyer 220 soldats supplémentaires. C’est très peu.
Les Etats du Sahel ne veulent pas le retrait des troupes françaises. Si cela doit arriver, on doit le faire en coordination avec la France pour éviter que, tout d’un coup, les pays du Sahel ne se retrouvent dans la situation de 2013.
ID/te/APA