Mohamed El Azizi, Directeur général de la Banque africaine de développement (BAD) pour la région de l’Afrique du Nord travaille sur « des approches et solutions régionales plus rapides et efficaces » pour lutter contre l’épidémie du Coronavirus en Afrique du Nord. Entretien exclusif avec APA.
Quel regard portez-vous sur la pandémie de Covid-19 qui frappe le monde, et notamment l’Afrique ?
Partout dans le monde, nous vivons un moment d’une rare gravité. D’heure en heure, nous sommes attristés par les décès et les chagrins qui endeuillent les familles. De jour en jour, touchés par les difficultés financières qui affectent les plus fragiles. Aux personnels soignants, à celles et ceux qui se trouvent en première ligne, je veux saluer le courage et l’abnégation dont ils font preuve pour sauver des vies. A leurs côtés, notre détermination est sans faille. Demain, nous vaincrons ensemble ce virus. En ces temps tumultueux, l’Afrique est, plus que jamais, confrontée à d’énormes défis budgétaires pour lutter efficacement contre le coronavirus.
Selon nos estimations, le Covid-19 entraînerait une baisse du PIB continental entre 22,1 milliards de dollars, selon un scénario de référence, à 88,3 milliards de dollars, dans le scénario catastrophe. Cette prévision est de l’ordre de 0,7 à 2,8 points de pourcentage de contraction du PIB en 2020. Conséquence attendue, la réduction des marges de manœuvre budgétaire des pays africains affecterait leur capacité à lutter efficacement contre le virus.
La pandémie de Covid-19 impacte durement l’Afrique. Face à cela, quelle est la réponse de la Banque africaine de développement ?
Face à ce qui s’annonce comme une crise sans précédent, la réponse doit être à la hauteur de la menace : forte, rapide et flexible. Mercredi 8 avril, la Banque africaine de développement a annoncé la création d’un fonds de 10 milliards de dollars pour accompagner les gouvernements et les acteurs du secteur privé africains dans la lutte contre la propagation du Covid-19 sur le continent : 5,5 milliards de dollars seront ainsi destinés aux projets souverains dans les pays à revenu intermédiaire; pour soutenir les pays fragiles, 3,1 milliards de dollars financeront les opérations souveraines et régionales.
Enfin, 1,35 milliard de dollars supplémentaire bénéficiera au secteur privé. Ce fond constitue la troisième mesure forte de notre réponse globale à la crise.
Dans un premier temps, fin mars, la Banque a émis l’emprunt obligataire social « Combattre le Covid-19 » d’un montant record de trois milliards de dollars. C’est le plus grand emprunt social émis sur le marché international des capitaux. Début avril, notre institution a débloqué une aide d’urgence Covid-19 pour appuyer les interventions de l’Organisation mondiale de la santé en Afrique.
Cette aide contribuera à renforcer les capacités de prévention, de test et de traitement dans 41 pays africains. Elle renforcera également les systèmes de surveillance, contribuera à assurer l’approvisionnement et la distribution des tests et réactifs de laboratoire et soutiendra les mécanismes de coordination nationaux et régionaux.
Comment la Banque organise-t-elle sa réponse en Afrique du Nord ?
Dans chacun des pays de la région, la situation évolue constamment. Chaque jour, elle exige de nouvelles mesures et stratégies de précaution. Dans ce contexte, nous mettons tout en œuvre pour consolider la capacité des pays à contenir la propagation du virus et leur permettre d’atténuer ses conséquences économiques et sociales dans la région d’Afrique du Nord.
Dans divers secteurs, nos équipes sont totalement mobilisées. Leur priorité : déployer les approches et les solutions nationales et régionales les plus rapides et efficaces. Notre objectif : redonner des marges de manœuvres budgétaires aux pays, préserver les conditions de la croissance, appuyer les entreprises et soutenir les populations les plus fragiles. Dans cette perspective, nous annoncerons, très prochainement, une série d’opérations d’urgence en faveur des pays de la région. En définitive, cette situation inédite nous appelle à changer nos manières d’agir et de réfléchir.
Au siège comme en Afrique du Nord, notre continuité opérationnelle est assurée malgré l’annulation des rencontres, des évènements et des déplacements. Le recours au télétravail et la pleine utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication nous permettent aujourd’hui de préserver nos capacités d’action pour servir au mieux nos clients dans la région.
HA/APA