Les travailleurs humanitaires deviennent parfois des cibles dans le conflit au Tigré, au nord de l’Ethiopie.
Le gouvernement fédéral éthiopien combat depuis le mois dernier le Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF). Au même moment, des agents humanitaires vivent le calvaire dans la région septentrionale semi-autonome. Ils sont souvent pris pour cibles, quatre d’entre eux ayant déjà été tués.
Le Conseil danois pour les réfugiés (RDC) a confirmé tardivement trois de ces drames, soit le 11 décembre 2020, sur son site internet. Il se dit « attristé » par le meurtre de ces« collègues » « qui travaillaient comme gardes dans l’un de nos sites de projet ».
Cet organisme n’a toutefois pas donné de précisions sur l’emplacement où s’est produit l’incident, le site du projet et les circonstances des drames.
Les familles des victimes présumées ne sont pas informées en raison du « manque de communication et de l’insécurité persistante dans la région », explique le RDC. Il n’a pas communiqué non plus sur les nationalités des victimes ou leurs origines, appelant en outre au respect du « droit international humanitaire, notamment la protection des civils et des travailleurs humanitaires ».
Par ailleurs, le Comité international de secours (IRC) a signalé qu’un de ses membres avait été tué dans le camp de réfugiés de Hitsats à Shire, dans la province éthiopienne du Tigré. Tout comme dans le cas du rapport du Conseil danois pour les réfugiés (RDC), le nom de la victime et la date de sa mort ne sont pas précisés.
Exempts de reproches ?
Amnesty International a publié un communiqué affirmant que « les autorités éthiopiennes doivent permettre à l’aide humanitaire internationale d’atteindre sans entraves les camps de réfugiés dans l’Etat du Tigré ».
En revanche, le ministère éthiopien de la Paix a appelé les travailleurs humanitaires opérant dans la région agitée du Tigré à suivre les directives sécuritaires données par le gouvernement.
Suite à un incident survenu le 6 décembre 2020, des membres du personnel des Nations Unies (ONU) ont violé les points de contrôle de sécurité dans l’Etat régional du Tigré, déplore le ministère dans un communiqué.
Malgré les avertissements et les appels répétés des responsables de la sécurité, le document souligne qu’un convoi transportant un personnel onusien a franchi les points de contrôle en violation de l’accord conclu entre le gouvernement et l’ONU sur l’accès humanitaire.
« Conformément à l’accord, il est important que tous les travailleurs humanitaires suivent les directives de sécurité énoncées par le gouvernement éthiopien », souligne le ministère.
Catherine Sozi, Représentante résidente des Nations Unies et Coordonnatrice humanitaire pour l’Ethiopie, a présenté ses excuses au gouvernement éthiopien à la suite de l’incident. Saluant cet acte de l’organisme international, le gouvernement l’a ensuite invitée à mettre en place des mécanismes pour empêcher des violations similaires à l’avenir.
La tension est encore vive au Tigré, État semi-autonome du nord de l’Ethiopie entré depuis début novembre en conflit avec le gouvernement fédéral. Il y a environ trois semaines pourtant, le Premier ministre Abiy Ahmed annonçait la fin heureuse de ce qu’il a présenté au monde comme une courte opération chirurgicale d’ordre public de l’armée nationale.
Statu quo
Le prix Nobel de la paix 2019 déclarait en effet que celle-ci avait pris le « contrôle » de Mekele, la capitale de la région. Il s’agit selon lui de l’accomplissement de la « phase finale » de l’opération militaire démarrée le 4 novembre. Mais la situation sur place montre autre chose.
Le conflit oppose le gouvernement fédéral basé à Addis-Abeba aux troupes dissidentes du Front de libération des Peuples du Tigré (TPLF), dont Debretsion Gebremichael est le leader. Ce dernier est également le vice-président par intérim de la région du Tigré.
Le différend résulte de la volonté d’Abiy Ahmed de mettre fin courant 2019 au système politique ethnocentré en vigueur depuis 1994. Cette situation a provoqué l’affaiblissement par le gouvernement éthiopien de la position de l’ethnie tigréenne, dirigée par le TPLF. Celui-ci a refusé ainsi son intégration politique au sein du Parti de la prospérité du Premier ministre fédéral, avant de conduire des élections séparées et entrer en rébellion ouverte en novembre 2020.
Le conflit a plongé d’ores et déjà les habitants Tigréens dans une crise humanitaire, plusieurs milliers d’entre eux ayant fui vers le Soudan voisin.
MG/abj/fss/odl/te/APA