Un cancer foudroyant a fait s’écrouler comme un château de cartes le rêve présidentiel entretenu par le Premier ministre ivoirien.
Le mercredi 10 mars 2021. Dans la soirée, le site LSi Africa annonce en exclusivité la terrible nouvelle : « Le Premier ministre Hamed Bakayoko est mort ». Les internautes n’en reviennent pas et leurs interrogations sur le portail d’informations en disent long sur l’onde de choc.
Si d’aucuns refusent de l’admettre, Hambak, contraction des prénom et nom du natif d’Adjamé (populeux quartier d’Abidjan), est bel et bien décédé. Fidèle Sarassoro, le Directeur de cabinet du président de la République, confirme la mauvaise nouvelle au Journal Télévisé de 20 heures de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI, publique).
Dans la foulée, par un tweet, le président Alassane Ouattara renseigne que son intrépide bras droit a perdu son combat face au cancer en Allemagne. Loin des siens. Le Premier ministre était en France depuis le 18 février pour y recevoir des soins avant d’être évacué au pays d’Angela Merkel.
A 56 ans, Hamed Bakayoko tire sa révérence alors qu’il était bien parti pour succéder à Alassane Ouattara qui dirige la Côte d’Ivoire depuis 2011.
Ascension express
A force de détermination, Hambak s’est imposé dans le milieu des affaires d’où son surnom de « Golden boy ». Sur la scène politique ivoirienne, il connaîtra le même succès en se hissant au niveau des personnages incontournables.
Très jeune, dans les années 90, il rejoint le Rassemblement des Républicains (RDR, opposition) fondé par Djéni Kobena et qui sera ensuite dirigé par M. Ouattara. Avec son journal Le Patriote, Hamed mènera le combat politique aux côtés de l’actuel chef de l’État, alors Premier ministre.
En 1993, ce musulman originaire du Nord de la Côte d’Ivoire prend les commandes de Radio Nostalgie. Cet intermède permet notamment à Hamed Bakayoko de se construire une solide réputation dans la sphère musicale ivoirienne.
Sous le régime de l’ancien président Laurent Gbagbo, il occupe le poste de ministre des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication de 2005 à 2010. A la prise de pouvoir de Ouattara, Hambak contrôle le stratégique ministère de l’Intérieur jusqu’en 2017. Pilier du régime, il s’installe après au ministère de la Défense.
Depuis 2018, ce politique réputé proche des populations était le maire de la célèbre commune d’Abobo, dans la capitale économique ivoirienne. Suite au décès, le 8 juillet 2020, du Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, M. Bakayoko prend sa succession tout en gardant son portefeuille de la Défense. Numéro deux du gouvernement, ce monogame et père de quatre enfants avait l’oreille du président Ouattara qui le considérait comme son « fils » politique.
Diplomate dans l’âme
Au lendemain de l’élection présidentielle du 31 octobre 2021, boycottée par Henri Konan Bédié et Pascal Affi N’Guessan, la Côte d’Ivoire n’est pas passée loin de réveiller ses vieux démons. Si le scénario du pire ne s’est pas produit, c’est grâce aux actions de protection de la sûreté de l’État du défunt Premier ministre.
En outre, Hamed Bakayoko dégage une forte personnalité qui transcende les clivages politiques et ethniques ayant longtemps divisé la nation ivoirienne. Pour décrisper le climat politique, cet homme de confiance d’Alassane Ouattara a renoué le dialogue avec l’opposition.
Même si tous les objectifs initiaux de ce processus n’ont pas été atteints, ces discussions ont créé les conditions de la participation des trois plus grands partis du pays aux élections législatives du 6 mars dernier : le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP, coalition au pouvoir), le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié. Une première depuis 26 ans !
L’on se rappelle également qu’Hambak a échangé, le 6 janvier 2021 à Abidjan, avec deux émissaires de l’ex-président Laurent Gbagbo, sur les modalités de son retour en Côte d’Ivoire, après l’obtention de ses deux passeports.
Obsèques nationales
La dépouille d’Hamed Bakayoko est arrivée, samedi dernier, à l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Sur le tarmac, Alassane Ouattara, des membres du gouvernement et des autorités religieuses et coutumières ont partagé l’affliction de la famille éplorée.
Le président ivoirien a décrété un deuil national de 8 jours à compter du 12 mars. Un hommage solennel sera rendu, ce mercredi 17 mars, au disparu à la Présidence de la République.
Le recueillement sera prolongé au stade Alassane Ouattara d’Ebimpé (Anyama, Abidjan). Dans cette infrastructure sportive moderne, des artistes vont saluer, en musique, la mémoire de l’ancien Premier ministre. Il en a été ainsi pour Dj Arafat (1986-2019), ami d’Hambak.
Par la suite, la dépouille sera transférée le lendemain à Séguéla (Nord-Ouest) où aura lieu vendredi l’inhumation « dans la stricte intimité familiale ».
AP/ls/id/cgd/APA