Le président de la Fédération internationale de football association (Fifa) a pesé de tout son poids pour imposer le candidat Patrice Motsepe à ses pairs.
La Confédération africaine de football (Caf) est toujours sous le joug de la Fifa malgré la fin de sa mise sous tutelle par l’instance faîtière du foot mondial. En tout cas, tout porte à le croire.
Ce vendredi 12 mars, les 54 fédérations du continent noir auraient dû choisir le président de la Caf pour les quatre prochaines années. Mais il n’en sera rien. Gianni Infantino en a décidé ainsi.
En effet, le patron de la Fifa a arraché, les 27 et 28 février, le Protocole de Rabat (Maroc) entériné une semaine plus tard à Nouakchott (Mauritanie) en marge de la finale de la Coupe d’Afrique des nations des moins de 20 ans.
De quoi s’agit-il ? Avec l’entremise de M. Infantino, le Sénégalais Augustin Senghor et le Mauritanien Ahmed Yahya, candidats à la succession du Malgache Ahmad Ahmad, se sont finalement désistés au profit de Patrice Motsepe. Après un temps d’atermoiement, l’Ivoirien Jacques Anouma est aussi rentré dans le rang. Car le milliardaire sud-Africain a la faveur du grand boss.
Dès lors, l’ancien Secrétaire Général de l’Union des fédérations européennes de football (Uefa) a mis en branle son rouleau compresseur pour donner corps à son projet. Dans un communiqué, Me Senghor affirme avoir accepté « la proposition consensuelle soumise par la Fifa, le Maroc et l’Egypte au nom de l’intérêt supérieur de l’unité du football africain ».
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Toutefois, cet arrangement sans coup férir fait grincer des dents. « C’est du néocolonialisme pur et dur. On imagine mal Gianni Infantino imposer un diktat à l’Uefa. Cela ne peut être possible qu’en Afrique », déplore Hubert Mbengue, Directeur de publication de Record, quotidien sénégalais d’informations sportives.
Journaliste à Sportnewsafrica, Demba Varore dénonce une ingérence de la Fifa alors qu’elle est prompte à sévir quand des Etats s’immiscent dans la gouvernance du football. « C’est une mauvaise démarche. J’aurai applaudi si les quatre candidats avaient trouvé un compromis sans que la Fifa n’intervienne », argumente-t-il.
Aux termes du Protocole de Rabat, Patrice Motsepe sera porté à la tête de la Caf tandis qu’Augustin Senghor et Ahmed Yahya occuperont respectivement les postes de premier et deuxième vice-président. Pour sa part, Jacques Anouma devrait être le Conseiller spécial du président.
Pour arriver à ses fins, M. Infantino a déroulé un plan implacable : « Le Sénégalais, le Mauritanien et l’Ivoirien ont été rattrapés par la réalité de la géopolitique du football. Gianni Infantino avait pris le soin de rencontrer les chefs d’Etat. Ces derniers ont demandé à leur candidat d’accepter l’accord », explique M. Mbengue.
A en croire son confrère Varore, la dépendance économique des fédérations vis-à-vis de leurs Etats doit également être prise en considération. « L’Afrique a un contexte vraiment spécifique. Les fédérations sont souvent soutenues par leurs gouvernements. La plupart d’entre elles ne produisent pas de ressources suffisantes. De ce fait, si un candidat n’est pas parrainé jusqu’au bout par son pays, il va difficilement gagner », soutient-il.
L’entente scellée sous les auspices de la Fifa vise principalement, selon les différentes parties, à rassembler les acteurs du foot africain. « C’est un simple prétexte. Il y aurait dû y avoir un vote pour que les 54 fédérations élisent librement le meilleur candidat. Le consensus ne doit pas être le premier choix », indique le Directeur de publication de Record.
Motsepe, le grand gagnant
Le président de Mamelodi Sundowns, club le plus titré en Afrique du Sud, a ravi la vedette à deux candidats (Senghor et Yahya) déjà installés dans le Comité exécutif de la Caf. Un véritable tour de force!
Mais la 9e fortune d’Afrique (3 milliards de dollars) selon Forbes a-t-il la carrure de l’homme providentiel ? « Certes il dirige un grand club mais on ne peut pas dire qu’il a le meilleur profil. Motsepe n’est pas très imprégné des réalités du football africain. De plus, Il n’a pas le vécu d’Ahmed Yahya, encore moins celui de Jacques Anouma ou d’Augustin Senghor », regrette Hubert Mbengue.
Pour comprendre l’implication de Gianni Infantino dans ce processus, il faut se projeter sur l’élection du président de la Fifa prévue en 2023. L’Italo-Suisse, qui briguera un troisième et ultime mandat, espère récolter les dividendes de sa politique de développement du football africain.
« Infantino veut faire de l’universalisation du foot un argument de campagne. A cet effet, il mettra en exergue son bilan sur le continent noir avec notamment l’augmentation des droits télé, la construction d’infrastructures modernes et la création de nouvelles compétitions », souligne Demba Varore.
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