A moins de deux ans de la fin de son second mandat de quatre ans, Muhammadu Buhari est-il en train d’élaborer un plan de succession pour un candidat issu de la région du Biafra?
Le président nigérian manœuvrerait discrètement pour trouver un successeur issu du sud-est du pays, où l’agitation d’une république sécessionniste a gagné du crédit ces dernières semaines.
Selon la rumeur populaire, un plan est déjà en cours pour un projet qui impliquerait un homme politique issu des Igbo, troisième groupe ethnique à majorité de chrétiens et d’animistes. Selon certaines sources, un changement de pouvoir incarné par l’accession à la présidence d’un homme politique issu du sud-est pourrait contribuer à éteindre les velléités sécessionnistes dans la région.
Alors qu’ils sont très présents dans l’administration et les commerces, les Igbo ont le sentiment d’être marginalisés dans les différentes politiques de développement du pays. Presque cinquante après la guerre entre le pouvoir fédéral et l’éphémère État du Biafra qui avait fait plus de trois millions de morts entre 1967 et 1970, les germes de la sécession menacent toujours dans cette région.
Aujourd’hui, la fureur de cette agitation séparatiste n’est pas totalement apaisée et le Peuple indigène du Biafra (Ipob), dont le leader Nnamdi Kanu est toujours incarcéré, ne semble pas prêt à disparaître de la conscience nationale nigériane. Après des années de représailles musclées de l’État contre des descendants du Biafra de plus en plus enhardis, Buhari use désormais de la carotte en permettant à l’un des leurs d’accéder à la magistrature suprême en 2023.
Des théories déjà non confirmées sur les plans de succession de Buhari ont trouvé un certain écho dans les propos tenus par ses propres lieutenants au sein de l’APP au pouvoir, qui ont ouvertement déclaré qu’un président originaire du sud-est contribuerait à supprimer tout prétexte solide pour que les habitants de la région continuent de s’accrocher à leurs convictions sécessionnistes.
Le Nigeria est la nation la plus peuplée d’Afrique et la deuxième économie du continent après l’Afrique du Sud. Mais cette position est mise à mal par des années d’agitation rétive de la part des populations du sud-est qui se sentent perpétuellement exclues du butin garanti par les retombées du pétrole.
Les six années passées par Buhari à la tête du pays ont été marquées par une myriade de problèmes de sécurité et, selon son entourage, le dirigeant de 78 ans tient à s’assurer que les appels à la sécession dans le sud-est ne laissent pas de traces indélébiles à l’aune desquelles l’histoire de sa présidence serait jugée.
Le mois dernier, Osita Okechukwu, un membre de l’APP de Buhari, a affirmé que le président nigérian mettait tout son poids politique derrière l’idée d’une candidature d’un natif du sud-est pour lui succéder à la présidence en 2023.
Okechukwu aurait déclaré qu’une telle présidence contribuerait non seulement à apaiser le ressentiment du sud-est, mais qu’elle serait également favorable au concept d’un Nigeria indivisible. Toutefois, selon cet apparatchik de l’APP, il y a une réserve à la volonté du président Buhari de participer à ce projet encore flou pour désigner son successeur originaire de la région orientale.
L’Ipob et ses sympathisants devraient abandonner leur programme sécessionniste et adopter l’idée d’un seul Nigeria. Selon M. Okechukwu, le Nigeria fera d’une pierre deux coups si l’Ipob (sigle en anglais, le peuple indigène du Biafra) monte à bord du train de la réunification où les exclusions sociales et politiques cèdent la place à une atmosphère inclusive.
Mais le président Buhari se méfie de l’Ipob, notamment en raison de son refus d’ordonner la libération inconditionnelle de son leader historique Nnamdi Kanu, arrêté en juin dernier à l’étranger et ramené au Nigeria. Le chef de l’Ipob est accusé notamment de « terrorisme, trahison et possession illégale d’armes à feu ». Mais Buhari dans une volonté de pacifier l’espace politique est dans les dispositions d’ordonner sa libération.
Une fois sa remise en liberté actée, la question principale sera de savoir qui Buhari et son APP choisiront pour diriger le Nigeria en 2023. Toutes les oreilles sont tendues à la recherche d’indices, mais à ce jour, aucun nom n’a encore été avancé.
WN/as/lb/cgd/APA