Le ministre de l’Économie et du Plan du Sénégal, Abdourahmane Sarr, a révélé une situation financière bien plus préoccupante qu’annoncée précédemment, avec un déficit et une dette publique largement sous-estimés.
Dans un effort de transparence inédit, le ministre a présenté, ce jeudi, un rapport sur l’état des finances publiques du pays, dévoilant un tableau beaucoup plus sombre que celui communiqué jusqu’ici. Le rapport met en lumière des écarts significatifs entre les chiffres annoncés et la réalité économique du Sénégal.
Le constat le plus frappant concerne le déficit budgétaire et la dette publique. Alors que le déficit était initialement estimé à une moyenne de 5,5 % du PIB sur la période 2019-2023, il s’élève en réalité à 10,4 %, soit près du double. Quant à la dette publique, elle atteint 76,3 % du PIB en moyenne sur la même période, bien au-delà des 65,9 % précédemment déclarés.
Ces chiffres alarmants sont accentués par la situation de la dette de l’État central à la fin de l’année 2023, qui s’élève à 15 664 milliards de FCFA, soit 83,7 % du PIB, dépassant ainsi de près de 2000 milliards les chiffres annoncés.
L’origine de cette dette supplémentaire, selon le ministre Sarr, provient principalement de deux sources : des tirages sur des prêts projets financés par des fonds extérieurs, et des emprunts contractés de manière opaque auprès des banques locales. En moyenne, ces opérations non transparentes ont représenté respectivement 593 milliards et 179 milliards de FCFA par an durant la période étudiée.
Face à cette situation préoccupante, le gouvernement sénégalais a pris une décision audacieuse : il a choisi de ne pas soumettre son dossier pour examen au Fonds Monétaire International (FMI). Cette décision vise à éviter un cas de « misreporting », c’est-à-dire la transmission de fausses informations pour obtenir des financements. Le ministre Sarr insiste sur le fait que cette démarche reflète une volonté de transparence et de responsabilité, préférant reconnaître les erreurs du passé plutôt que de prolonger une situation intenable.
Pour redresser les finances publiques, le gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux. Il vise notamment à ramener la dette de l’État central en dessous de 70 % du PIB dans un délai raisonnable, tout en réduisant le déficit budgétaire à 3 % du PIB, conformément aux engagements pris dans le cadre de l’UMOA. Une série de mesures drastiques est envisagée pour y parvenir.
Parmi ces mesures figure une révision en profondeur des projets et programmes financés par des prêts externes. Le gouvernement prévoit également de rationaliser les dépenses de fonctionnement, notamment en réduisant les subventions à l’énergie, qui ont coûté plus de 1 200 milliards de FCFA au budget de l’État sur les seules années 2022-2023. L’application stricte des procédures des marchés publics, le contrôle de la masse salariale et l’optimisation de la commande publique figurent également parmi les leviers identifiés pour assainir les finances.
Sur le plan des recettes, le ministre Sarr mise sur une mobilisation accrue des ressources internes. Cela passera par une réduction des niches fiscales et un élargissement de l’assiette fiscale, tout en encourageant la formalisation des entreprises. Le ministre a souligné que 97 % des entreprises sénégalaises opèrent actuellement dans l’informel, représentant ainsi un potentiel fiscal considérable.
Malgré l’ampleur des défis, le ministre Sarr se veut rassurant. Il affirme que ces mesures, bien que rigoureuses, ne devraient pas compromettre significativement les perspectives de croissance du pays. L’objectif est de rétablir une souveraineté budgétaire permettant de mieux soutenir le secteur privé, véritable moteur de la croissance économique.
ARD/te/Sf/APA