Après l’affaire du recrutement de volontaires africains pour combattre l’armée russe, l’ambassadeur ukrainien à Dakar suscite de nouveau la polémique, cette fois concernant la crise sécuritaire au Sahel.
En poste depuis novembre 2021, l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal alimente la controverse pour la deuxième fois dans son pays de résidence. Après l’affaire du recrutement de volontaires africains pour combattre en Ukraine contre l’armée russe en mars 2022, Yurii Pyvovarov a ouvertement soutenu le porte-parole de l’armée ukrainienne, ce qui a provoqué la colère des dirigeants sénégalais et maliens. Ce dernier a admis l’implication de Kiev dans l’attaque des rebelles touaregs fin juillet, causant de lourdes pertes à l’armée malienne et à ses partenaires russes à Tinzaouatène, dans le nord du Mali.
Le ministère des Affaires étrangères sénégalais a réagi vivement par une condamnation et une convocation de M. Pyvovarov, affirmant qu’il « ne peut tolérer aucune tentative de transférer sur son territoire la propagande médiatique en cours dans ce conflit » entre son pays et la Russie. Dakar a ensuite exprimé sa « solidarité » avec Bamako contre les assaillants, qualifiés de « groupes terroristes en terre malienne », sans distinction entre les rebelles du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDS) et les jihadistes du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), qui ont également revendiqué l’attaque.
Cependant, le rappel à l’ordre contre Yurii Pyvovarov, dont le « credo est de faire disparaître les crapules russes en Ukraine », selon sa biographie sur X (précédemment Twitter), semble très mou aux yeux des autorités maliennes. Dans un long communiqué publié dimanche 4 août, elles ont avancé de nombreux arguments, dont la publication de l’ambassadeur ukrainien, pour annoncer la rupture des relations diplomatiques avec Kiev.
De plus, elles ont indiqué que « des mesures préventives pourraient être prises pour éviter toute déstabilisation du Mali à partir d’États africains abritant des ambassades ukrainiennes », comme pour exprimer une méfiance à l’égard des pays voisins tels que le Sénégal, avec lequel le Mali entretient pourtant de fortes relations commerciales et culturelles.
Volontaires africains, le premier épisode
Egalement accrédité en Guinée, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire et au Libéria, l’ambassadeur ukrainien au Sénégal s’est taillé l’image d’un diplomate adepte d’un langage peu diplomatique sur les réseaux sociaux. En mars 2022, la page X de l’ambassade publiait la demande de soutien du président Volodymyr Zelensky à des volontaires africains pour aider l’Ukraine à combattre l’armée russe, qui a envahi le pays depuis février 2022 pour empêcher son rapprochement avec l’Occident et l’Otan. Un formulaire d’inscription avait été mis à la disposition des candidats, récoltant une trentaine de réponses favorables. Bien que Kiev compte une légion étrangère dans ses rangs militaires, l’occasion était grande pour ces personnes de découvrir l’Europe, même si certaines justifiaient leur choix pour des raisons humanitaires.
« Oui, je suis prêt à partir. Il faut penser aux innocents qui sont en train de payer le prix », indiquait Moussa, un candidat « au bord des larmes » interrogé par le site d’informations Dakaractu, affirmant être prêt à laisser son métier de maçon pour aller sauver l’Ukraine. « En répondant à l’appel de la France, les tirailleurs n’étaient pas performants en armes. Mais ils ont libéré l’Europe », notait pour sa part B.G., un étudiant et bijoutier désireux de participer à l’aventure
Interrogé par Dakaractu, Yurii Pyvovarov affirmait que ses services avaient « reçu 36 candidatures de la part des Sénégalais », ce qu’il trouvait « agréable et positif », assurant s’être entouré de toutes les précautions légales pour cette mission. « Nous avons publié cet appel sur notre page Facebook. Nous avons aussi diffusé l’information au niveau officiel, au ministère des Affaires étrangères et un peu partout. Tout le monde est au courant », justifiait le diplomate, qui n’a pas tardé à être contredit par les autorités sénégalaises.
Ne cachant pas son « étonnement », le ministère des Affaires étrangères avait convoqué M. Pyvovarov pour condamner « fermement » cette pratique, qui viole la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, et pour « préciser que le recrutement de volontaires, mercenaires ou combattants étrangers sur le territoire sénégalais est illégal et passible des peines prévues par la loi ».
ODL/Sf/ac/APA