C’est à l’occasion de la huitième édition de l’APSACO du PCNS à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Rabat.
Lors de l’ouverture, lundi 10 juin à Rabat, de la 8e édition de la conférence annuelle sur la paix et la sécurité en Afrique (APSACO) organisée par le Policy Center for the New South (PCNS), l’ancien Premier ministre de Guinée (2008-2010), Kabiné Komara, a souligné l’importance de trouver des solutions africaines aux conflits du continent.
Lors du premier panel consacré aux « Mécanismes et approches de médiation dans les conflits internes », Komara a partagé ses expériences et celles de leaders africains dans la résolution de conflits, en mettant en avant le rôle crucial des méthodes traditionnelles et culturelles. « Quand il y avait un conflit dans le voisinage, il était écouté », a-t-il déclaré en faisant référence à l’ancien président guinéen Sékou Touré, reconnu pour son rôle de médiateur respecté en Afrique de l’Ouest.
Komara a illustré l’importance de la médiation culturelle avec une anecdote de 1975, où un conflit entre le Burkina Faso et le Mali a été résolu grâce à l’intervention d’un chansonnier guinéen lors d’une soirée culturelle. « Il a donné la parole à ce chansonnier, qui s’est adressé à chacun des deux chefs d’État en leur disant : nous ne pouvons pas comprendre que vous, qui descendez des gens d’une grande réputation, de paix et d’entente, puissiez vous faire la guerre et couler le sang de vos compatriotes », a-t-il raconté.
L’ancien Premier ministre a également mis en avant le rôle déterminant des femmes dans la résolution de la guerre civile au Liberia. Il a décrit comment l’Union des femmes du Mano River, composée de femmes de différents âges et profils, a réussi là où les négociations officielles avaient échoué pendant près de huit ans. « Ce sont les femmes des trois pays qui ont créé une organisation appelée l’Union des femmes du Mano River. Elles ont étudié le profil psychologique de chacun des trois chefs d’État et ont utilisé leur influence pour les amener à la table des négociations », a-t-il expliqué.
Komara a aussi critiqué certaines méthodes employées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour gérer les crises politiques. « Vous ne pouvez pas sanctionner un pays et mettre en quarantaine le chef d’État en refusant de lui parler. Il faut que vous ouvriez les discussions », a-t-il affirmé, ajoutant que la CEDEAO devrait « envoyer des médiateurs qui comprennent très bien le contexte, qui comprennent les dynamiques, qui comprennent les intérêts ».
Jean-Hervé Jezequel, directeur du projet Sahel à l’International Crisis Group, a examiné l’instabilité persistante au Sahel, soulignant les raisons de l’échec à contenir la violence malgré les moyens mobilisés pour stabiliser la région. Il a attribué cela à une dépendance excessive aux réponses militaires et à un dialogue politique insuffisant. Jezequel a mis en avant la nécessité de solutions pilotées au niveau local, insistant sur le rôle des femmes, des chefs traditionnels et religieux dans la revitalisation des efforts de consolidation de la paix.
Ajay Sethi, conseiller principal à l’Unité d’appui à la médiation des Nations Unies, s’est concentré sur les défis du renforcement des capacités aux niveaux local, national et régional. Il a souligné l’importance de la viabilité financière pour les processus de paix et a plaidé en faveur d’une approche sur mesure qui respecte les contextes culturels et politiques uniques de chaque région.
De son côté, Lassina Zerbo, ancien Premier ministre du Burkina Faso (2021-2022), a insisté sur les contributions importantes, mais souvent négligées, des femmes aux efforts de paix et de sécurité. Il a appelé à une symbiose de méthodes de médiation traditionnelles et modernes, respectant les cadres culturels tout en intégrant les pratiques contemporaines. Zerbo a souligné la nécessité d’approches de médiation cohérentes et inclusives pour garantir une paix durable en Afrique.
Kabiné Komara a appelé à une réévaluation des approches de médiation et de sanction en Afrique de l’Ouest, insistant sur la nécessité d’adapter les méthodes aux réalités actuelles. « Je suis convaincu que si on revisite notre histoire, notre tradition, il y a des moyens de répondre à certaines négociations, à certains conflits », a-t-il conclu.
Cette conférence annuelle, organisée par le PCNS, réunit des experts, des dirigeants et des universitaires pour discuter des défis et des opportunités pour la paix et la sécurité en Afrique, en mettant en avant des solutions ancrées dans les réalités locales du continent.
AC/mn/APA