Une nouvelle étude révèle l’ampleur alarmante du commerce illégal de l’or en provenance du continent africain, soulignant l’urgence d’une action concertée pour assainir ce secteur vital.
Une quantité astronomique d’or extrait en Afrique échappe chaque année aux circuits officiels de déclaration et de taxation. C’est le constat saisissant d’une récente enquête menée par l’ONG suisse SWISSAID, qui lève le voile sur les flux illicites de ce précieux métal à travers le continent.
Selon les estimations, entre 321 et 474 tonnes d’or issues de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) africaine, d’une valeur allant de 23,7 à 35 milliards de dollars américains au prix de l’or du 1er mai 2024, n’ont pas été déclarées à la production en 2022, souligne le document.
Cette production non déclarée représentait entre 72 % et 80 % de la production totale d’EMAPE ou entre 32 % et 41 % de la production aurifère globale du continent, industrielle et semi-industrielle comprise, note SWISSAID, ajoutant que dans neuf pays africains, l’estimation de la production d’or d’EMAPE non déclaré est supérieure à 20 tonnes par année.
La production d’or totale en Afrique a atteint entre 991 tonnes et 1’144 tonnes en 2022, soit entre un quart et un tiers de la production mondiale d’or minier la même année. Plus de la moitié de cette production provenait de l’EMAPE.
Au total, 41 des 54 pays africains ont une production estimée d’or d’EMAPE d’au moins 100 kg par année, et 15 de ces pays produisent de l’or d’EMAPE sans en rapporter aucune production officiellement.
Contrebande d’or à l’exportation
La comparaison avec les données d’importation permet d’affirmer que la production d’or d’EMAPE non déclarée en Afrique atteint très vraisemblablement, voire dépasse, le haut de la fourchette des estimations calculées par SWISSAID, soit 474 tonnes.
En effet, rapporte l’étude, la grande majorité de l’or africain non déclaré à la production ou à l’exportation est déclaré à l’importation dans les pays non africains. En d’autres termes, l’or issu des circuits clandestins africains acquiert une existence légale au moment d’entrer sur le marché international.
Plus de 435 tonnes d’or ont ainsi été exportées en contrebande du continent africain en 2022, ce qui représente plus d’une tonne par jour. Au prix de l’or du 1er mai 2024, cela correspond à une valeur de 30,7 milliards de dollars américains. L’écrasante majorité de cet or a été importé aux Emirats arabes unis (EAU) avant d’être réexporté vers d’autres pays.
Commerce illégal de l’or africain
En 2022, 66,5 % (405 tonnes) de l’or importé aux EAU en provenance d’Afrique a été exporté en contrebande des pays africains, révèle le document, précisant qu’entre 2012 et 2022, 2569 tonnes d’or africain importé aux EAU n’ont pas été déclarées à l’exportation dans les pays africains. Au prix moyen de l’or sur ces onze années, cela correspond à une valeur totale de 115,3 milliards de dollars.
A en croire SWISSAID, douze pays africains sont impliqués dans la contrebande de plus de 20 tonnes d’or par année. La part la plus importante concerne le Mali, le Ghana et le Zimbabwe. Cette contrebande a plus que doublé entre 2012 et 2022.
La grande majorité de cette ressource est acheminée vers un nombre très restreint de pays. Les EAU, la Suisse et l’Inde ont été les trois principaux pays importateurs d’or en provenance d’Afrique entre 2012 et 2022. En 2022, près de 80 % de l’or africain importé à l’étranger l’a été dans ces trois pays, dont plus de 47 % aux EAU seulement.
L’or industriel africain a été majoritairement exporté en Afrique du Sud, en Suisse et en Inde, alors que 80 à 85 % de l’or d’EMAPE africain a été exporté aux EAU. Entre 2012 et 2022, le commerce d’or intra-africain déclaré s’est fait très majoritairement à destination de l’Afrique du Sud. Cependant, la plus grande partie de l’or africain importé dans ce pays a ensuite été réexportée vers des pays non africains.
Données opaques et peu fiables
Lors de la collecte de données sur la production et le commerce d’or en Afrique, SWISSAID dit avoir constaté que nombre de ces données ne figurent pas dans le domaine public ou n’existent simplement pas. De plus, lors de l’analyse, l’ONG suissesse affirme avoir noté que nombre d’entre elles « étaient erronées, incomplètes, imprécises, non fiables ou incohérentes. »
Les statistiques des autorités sud-africaines sur le commerce de l’or, en particulier, sont opaques et ne permettent pas de se faire une idée précise du commerce de l’or dans ce pays, relève la recherche.
Cette étude met en lumière l’ampleur inquiétante du commerce illicite de l’or en provenance d’Afrique, appelant à des efforts concertés pour assainir ce secteur crucial pour de nombreuses économies du continent. Une plus grande transparence et un meilleur suivi des flux sont indispensables pour lutter contre ces pratiques préjudiciables.
ARD/APA