Les autorités de la transition n’ont pas bien apprécié certains passages du livre du colonel Alpha Yaya Sangaré.
C’est à travers un communiqué en date du 1er mars 2024, lu à la télévision nationale que le ministère de la Défense condamne certains paragraphes du livre intitulé « Mali : le défi du terrorisme en Afrique ». Il estime qu’ils « portent de prétendues incriminations graves de violation des droits de l’homme par les FAMa avec la complicité de la hiérarchie militaire et des sabordages à l’égard de l’Etat du Mali ».
Ainsi, le département indique sa dénonciation et sa condamnation « des fausses accusations à l’encontre des FAMa », constatant « avec regret que la procédure et le processus de validation de publication de l’ouvrage n’ont pas été respectés contrairement aux précédentes publications ». Le ministère de la Défense assure que « l’officier en question (l’auteur du livre) sera soumis à la règlementation en vigueur », sans plus de précision.
La cérémonie de présentation et de dédicace de ce livre a eu lieu, le samedi 24 février, à l’Ecole de la Paix Alioune Blondin Beye de Bamako. Elle a été placée sous la présidence du ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga. Ce dernier était même présent pour la circonstance et tenait un discours élogieux sur l’auteur du livre. C’était le même cas pour le ministre de l’Enseignement supérieur qui a aussi encensé l’auteur. D’autres témoignages de cadres militaires et civils ont abondé dans le même sens.
A cette occasion, l’auteur, le colonel Alpha Yaya Sangaré n’est pas très entré dans les détails du livre, préférant inciter à la lecture de l’ouvrage.
Le colonel Sangaré a fait ses débuts au Prytanée Militaire de Kati (PMK) après l’obtention de son baccalauréat. Il est admis sur concours à l’École Militaire Interarmes du Mali avant d’obtenir une Maîtrise à la Faculté des Sciences Juridiques et Économiques du Mali (FSJE) et un Master à l’Université Wilmington, Deers Delawer (USA) spécialité « Sécurité intérieure et Criminologie ». Expert dans les domaines de la sécurité, du Renseignement militaire, de la Défense et de la Criminologie, maîtrisant plusieurs langues, il obtient un doctorat en Sciences-Politiques, en 2018, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avec mention Très Honorable. D’ailleurs, son directeur de fin de cycle doctoral, Alioune Badara Diop, professeur de Science politique à l’université Cheikh Anta Diop était présent lors de la dédicace du livre.
Ce jour-là, l’auteur a même profité de l’occasion pour rappeler les personnes qui l’ont soutenu dans la réalisation de ce travail de recherche au premier rang desquelles se trouve le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara et le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général de Brigade Daoud Aly Mohammedine, le même qui a signé, quelques jours après, le communiqué du ministère de la Défense fustigeant des partis du livre. Il a même rendu hommage à la lutte menée par ses frères d’armes et ceux tombés lors des combats.
La présentation de l’ouvrage s’est déroulée en présence de l’ambassadrice des Etats-Unis au Mali, Rachna Korhonen. Cette présence de la diplomate américaine pourrait s’expliquer par le fait que le Colonel Alpha Yaya Sangaré dans son cursus universitaire a obtenu un Master à l’université Wilmington, Dover, Delawer aux USA. Il a même fait référence dans l’ouvrage des initiatives américaines de lutte contre le terrorisme tels que les exercices militaires flintlock organisés chaque année par le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom).
Ce que dit l’auteur des méthodes de l’armée malienne
Sur les reproches à son encontre par le département de la Défense à savoir « des fausses accusations à l’encontre des FAMa », la question que l’auteur se pose à la fin de l’ouvrage est très évocatrice. C’est ainsi qu’il se demande si « le Mali arrivera à faire l’économie du respect des droits humains dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme ». Un autre passage du texte, notamment à la page 231 abonde effectivement dans ce sens. Il affirme que « les opérations militaires menées par les forces de défense et de sécurité malienne (FDS) pour lutter contre la présence des groupuscules islamistes ont occasionné de graves atteintes aux droits de l’Homme ». Il déclare que « depuis 2016, les FDS se sont livrées à des exactions à l’encontre de personnes accusées de faire partie de ces groupes terroristes ». Il a également cité des rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch attribuant l’enterrement de civils tués dans des opérations dans des fosses communes.
L’ouvrage cite également des instruments et initiatives de lutte contre le phénomène existant au niveau national, régional et international. C’est dans ce cadre qu’il évoque le Service de la prévention du terrorisme de l’ONUDC qui intervient depuis 2002 sur le renforcement du régime juridique et aide les pays concernés à élaborer un cadre juridique, des techniques d’enquête et une réelle coopération policière dans cette zone du sahel, en matière de lutte contre le terrorisme. Il y a aussi l’initiative « Trans-sahara counter terrorism partnership » (TSCTP) des Etats Unis qui vise à renforcer la capacité des Etats africains à lutter contre le terrorisme. L’ouvrage évoque aussi le Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC) regroupant 4 pays dits du champ dont le siège est à Tamanrasset. S’y ajoute l’initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme, basée à Dakar. L’ouvrage met surtout en lumière les insuffisances de ces initiatives et surtout la nécessité de mieux respecter les droits humains pour les militaires maliens afin de faire face à cette menace.
MD/ac/APA