LafargeHolcim Côte d’Ivoire, filiale ivoirienne du Groupe Holcim, leader mondial de solutions de construction innovantes et durables, mettra en place des produits écologiques en 2024, explique son directeur usine, Oswald Toupé, dans un entretien à APA News.
Le sujet des émanations de poussières et la cohabitation avec les communautés urbaines reste assez sensible. Quelles sont les dispositions prises par LafargeHolcim Côte d’Ivoire pour les réduire et quel type de relations entretenez- vous avec ces communautés ?
C’est un sujet effectivement assez sensible et très important auquel nous accordons beaucoup d’intérêt. Il faut rappeler que l’usine et ses installations existent depuis 1950 et que progressivement la vie s’est faite autour de l’usine ; ce qui nous amène aujourd’hui à entretenir la cohabitation avec les communautés dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.
De façon générale, les sujets RSE sont très importants pour le Groupe Holcim et dans ce sens, depuis 2017 nous avons entrepris des actions significatives pour réduire, voire éliminer les sources d’émanation de poussière. Nous pouvons citer entre autres la suppression de la fosse de réception du clinker, la construction d’un silo Clinker, le renforcement des filtres de dépoussiérage, une inspection régulière de nos installations pour identifier les sources et les risques d’émanation de poussière qui font l’objet d’un plan d’actions dédié.
Le plan d’actions anti-poussière est mis à jour chaque année. A ce jour, nous avons pu déployer 90% du plan de l’année 2023. Ce plan a été présenté au CIAPOL (Centre Ivoirien Anti-Pollution) pour validation, ainsi qu’au ministre de l’Environnement lors de sa visite de notre usine, en juillet 2023.
Il est principalement orienté, vers l’amélioration de la maintenance préventive de nos équipements et un renouvellement de ceux-ci afin de mettre en place de nouvelles technologies plus adaptées, qui vont nous permettre de réduire et de mieux maîtriser les sources d’émanation de poussière.
En parallèle, nous avons mis en place une plateforme de veille avec les communautés à travers laquelle nous sommes alertés dès qu’il y a des émanations de poussière. Il en est de même pour les différentes associations et communautés qui sont dans la Cité du port d’Abidjan.
Par ailleurs, nous travaillons également avec les institutions du Port autonome d’Abidjan et nos différents partenaires et entreprises voisines afin d’apporter les solutions les plus adaptées aux difficultés rencontrées.
Comment est organisée, de façon pratique, la cohabitation avec les populations riveraines ?
Nous sommes conscients que travaillant dans une industrie, il peut y avoir des avaries sur certaines machines, qui génèrent effectivement des émanations de poussière.
Afin d’être informés et pouvoir gérer au plus tôt les éventuels incidents, nous avons mis en place une plateforme de veille avec les communautés urbaines qui nous permet d’être alertés en cas d’émanations de poussière. Il faut souligner que les dernières plaintes signalées datent de deux ans.
En effet, il y a deux ans, nous avons été alertés par les populations au travers de la plateforme. Nous avons immédiatement pris toutes les mesures pour régler la situation. Nous avons aussi organisé des visites pour faire le point avec les populations sur les mesures qui ont été prises et aussi pour leur présenter le plan d’actions.
Nous avons également été saisis par la mairie de Treichville (commune dans le Sud d’Abidjan, abritant l’usine) ainsi que les agences de CIAPOL et de l’ANDE (Agence nationale de l’environnement) sur le même sujet, et nous avons démontré que les mesures avaient déjà été prises pour régler la situation.
Nous continuons à être proactifs et à suivre notre plan d’actions et sommes plutôt satisfaits de noter que les années 2022 et 2023 n’ont enregistré aucune plainte.
La plateforme de veille avec les communautés urbaines est donc un bon outil qui nous permet d’améliorer la communication et la cohabitation avec les communautés urbaines.
LafargeHolcim a célébré ses 70 ans d’existence l’année dernière. Elle a démarré ses activités en Côte d’Ivoire sous la dénomination les établissements André Letellier avant de prendre l’appellation SOCIMAT en 1952. Qu’est ce qui a changé dans le processus de fabrication du ciment entre-temps ?
Au cours de ces années il y’a eu des changements à la fois dans les recettes de fabrication mais aussi dans les processus de production. Les deux facteurs principaux à l’origine de ces changements sont la recherche de qualité et de performance du ciment mais également la recherche de productivité.
En ce qui concerne la recherche de qualité et de performance, nous avons eu l’introduction de nouveaux matériaux et des adjuvants qui ont permis d’améliorer la qualité, la résistance et la performance du ciment dans son utilisation. En effet, la nature des ciments et les performances attendues ont évolué avec les besoins du marché, les techniques et technologies de construction.
Le deuxième élément est lié à la recherche de productivité et d’excellence opérationnelle. Cette recherche nous a poussé à aller vers des procédés qui consomment moins de matières premières et d’énergie et qui améliorent les débits et les performances de production. Il y’a donc eu l’introduction de nouveaux équipements (séparateurs, filtres à haute performance…).
Toutefois nous assistons depuis quelques années à l’introduction d’un facteur qui constitue un nouveau « game changer » dans la fabrication du ciment : il s’agit de l’aspect environnemental et la réduction des émissions de CO2.
L’industrie du ciment contribue aux émissions globales de CO2 à hauteur de 7-8%. Il est de notre responsabilité en tant que producteur, de réduire cet impact en baissant notre consommation de matières premières, en introduisant des énergies plus vertes et en substituant par exemple les combustibles fossiles par des alternatives plus écologiques. Les pratiques sont en train d’évoluer et le groupe Holcim est une fois de plus pionnier avec son programme « net-zéro ».
Le Ciment Bélier que vous produisez, d’ailleurs très prisé sur le marché, a été utilisé dans la fabrication de nombreux édifices en Côte d’Ivoire, quels sont les grands chantiers où vous avez été sollicités ?
Nous avons été associés à tous les grands projets de construction de Côte d’Ivoire. Nous pouvons citer aussi bien la construction du Sofitel Hôtel Ivoire dans les années 60, que celle de la Basilique de Yamoussoukro dans les années 80.
Plus récemment, nous citerons la construction du troisième pont d’Abidjan et celle du quatrième pont qui est en cours. C’est un gage de qualité et nous sommes fiers de contribuer au développement du pays.
Aujourd’hui, comment est réparti l’effectif au niveau de l’usine. Avez-vous recours à des compétences locales et quel est le nombre de femmes dans vos équipes ?
Au niveau des effectifs, nous avons à l’usine 282 travailleurs à plein temps, employés et sous-traitants. L’équipe de pilotage de l’usine est très jeune et dynamique et essentiellement constituée de ressources locales ayant fait leur formation en majorité en côte d’Ivoire.
La moyenne d’âge est de 36 ans et c’est pratiquement un record pour une cimenterie. Du fait de cette jeunesse, nos ingénieurs ou diplômés n’ont pas été suffisamment exposés à un environnement professionnel ou industriel.
Chez LafargeHolcim Côte d’Ivoire, nous répondons à cela, à travers notre offre de stages et nous travaillons avec certaines structures afin de recruter des étudiants en projets de fin d’études et pouvoir les intégrer le plus tôt possible dans notre industrie pour qu’ils soient confrontés aux réalités du monde du travail et à ses challenges.
Nous avons l’avantage de faire partie d’un groupe International – le groupe HOLCIM, et du Cluster Afrique de l’Ouest qui regroupe d’autres usines en Guinée, au Cameroun et au Bénin. Cela nous permet de partager les ressources et d’exposer nos jeunes employés à des problématiques dans ces pays de sorte à leur faire acquérir rapidement de la maturité.
Nous bénéficions également de toute la structure de formation du groupe HOLCIM, que ce soit des formations en ligne ou en présentiel, ce qui nous permet de développer rapidement les compétences complémentaires de nos jeunes recrues.
Malgré ces actions nous rencontrons encore des difficultés à trouver certaines compétences locales notamment en automatisme, électromécanique et mécanique. Je profite de cette opportunité pour lancer un appel aux écoles afin qu’elles orientent les formations vers ces filières.
Au sujet des femmes, elles représentent 23% de l’effectif de notre entreprise et à l’usine nous avons des femmes à des postes qui, il y a quelques années, étaient principalement masculins (ex : Cariste, conducteur de ligne). Nous travaillons à redoubler d’efforts afin d’améliorer cette statistique car nous croyons fermement en la force de la diversité, et en ce qu’elle contribue fortement à améliorer la performance des entreprises.
Notre comité de direction est aujourd’hui féminin à plus de 50% et nous en sommes très fiers !
Quelles sont vos perspectives et projets à court ou moyen terme en vue de protéger l’environnement ?
Outre le plan d’actions pour la réduction des émanations de poussière, notre usine s’inscrit dans la logique et stratégie de réduction des émissions de CO2 du groupe Holcim. Nous avons démarré depuis 2021 un silo pour le stockage et le déchargement du clinker.
Le lancement de ce silo nous a permis de faire une réduction d’environ 1.000 voyages sur le déchargement des bateaux clinker. Quand on parle de réduction de 1.000 voyages, ce sont les allers- retours d’une centaine camions entre le port d’Abidjan et l’usine qui ont été supprimés.
Nous avons d’autres projets qui vont nous permettre d’améliorer notre empreinte environnementale, notamment les traitements au niveau des rejets des eaux de pluie pour la protection de la nappe phréatique.
Nous faisons des analyses régulièrement afin de nous assurer que nous ne rejetons pas à travers notre activité du ciment ou d’autres produits dans cette nappe, surtout que nous sommes proches de la lagune.
Des actions sont également en cours sur la réduction de notre consommation d’énergie. Nous visons une baisse de notre consommation de matières premières et du coup notre consommation de ressources.
Nous travaillons aussi activement à lancer dès 2024 une nouvelle gamme de produits écologiques, dont l’empreinte carbone est inférieure aux ciments classiques. Nous aurons ainsi des formulations qui sont plus écologiques qui vont nous permettre de réduire notre empreinte carbone, non seulement dans l’utilisation des matières premières, mais aussi dans la fabrication, tout en garantissant toujours des produits d’excellente qualité.
AP/APA