Un hackathon s’est tenu, ces 8 et 9 novembre à Dakar, par le biais du projet Accélérer les impacts de la recherche climatique pour l’Afrique (AICCRA) du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR).
Plus que dans d’autres parties du monde, la faim est une triste réalité en Afrique. Dans le continent noir, où l’agriculture n’a pas encore atteint un niveau standard, les pertes post-récolte aggravent la vulnérabilité des populations.
Notées entre la culture dans les champs et la consommation des aliments, les pertes post-récolte sont identifiées, dans le cadre du projet Accélérer les impacts de la recherche climatique pour l’Afrique (AICCRA) du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), comme « un défi majeur au cœur de la sécurité alimentaire et du développement socioéconomique ».
Au Sénégal, pays dans lequel l’agriculture représente 15,5 % du PIB national et emploie plus de 22 % de la population active, la situation alimentaire et nutritionnelle oscille entre la phase 1 (minimal) et la phase 2 (sous pression). Mais plusieurs de ses 14 régions pourraient basculer, sans mesures correctives, dans la phase 3 (crises) d’après le Réseau de Prévention des Crises Alimentaires (RPCA).
Une perspective sombre qui s’explique notamment par les pertes post-récolte « atteignant au Sénégal 12 à 40 % et touchant l’ensemble de la chaîne de valeurs agricoles. Les secteurs les plus impactés sont les céréales, les protéagineux, l’horticulture et l’élevage (en particulier la filière du lait). Au total, c’est près de 100 milliards F CFA de pertes annuelles qui compromettent la stabilité de la production alimentaire et de la croissance économique », a précisé le CGIAR.
Ainsi, différents maillons de la chaîne de valeurs post-récolte ont été analysés, pour les cultures sélectionnées (maïs, riz, sorgho, mil, fonio, arachide, niébé, tomates, pommes de terre, mangues, patates douces), à savoir le transport, le stockage, la transformation et la distribution.
L’analyse de la situation met en évidence des contraintes dans la chaîne post-récolte des cultures étudiées et caractérise les principaux défis auxquels sont confrontés les acteurs de la production alimentaire au Sénégal à savoir des contraintes liées à la manipulation, aux conditions de stockage et à la logistique et coordination dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire.
En Afrique de l’Ouest, plus globalement, les pertes post-récolte sont la cause d’une « baisse de 15 % des revenus des agriculteurs et des autres acteurs de la chaîne de valeurs ». C’est dans ce contexte que s’inscrit le hackathon organisé dans la capitale sénégalaise les 8 et 9 novembre 2023.
La science au service de l’agriculture
L’objectif est de « promouvoir un avenir résilient face aux enjeux climatiques grâce à l’innovation » en facilitant « une collaboration fructueuse entre divers acteurs clés (producteurs agricoles, transformateurs agroalimentaires, agroindustriels, universitaires, chercheurs…) dans le but de concevoir des solutions innovantes et résilientes sur le plan climatique, tout en tenant compte du genre ».
Panéliste en marge du concours, Dr Abdrahmane Wane, représentant en Afrique de l’Ouest de l’Institut international de recherche sur l’élevage (ILRI), a rappelé que, « dans la Déclaration de Malabo de 2014, les chefs d’État africains s’étaient engagés à réduire de moitié le volume des pertes post-récolte d’ici 2025 ». Mais « jusque-là, 5 pays seulement sur les 54 du continent sont arrivés à produire des données probantes sur l’état de ces pertes et à proposer des solutions », a souligné M. Wane, expert en système de production animale.
Au niveau macro, a-t-il expliqué, « il y a des pertes post-récolte liées à des problèmes structurels comme l’existence de routes en mauvais état, l’absence de grandes infrastructures de stockage,… ».
Tirant les leçons de la pénurie récente d’oignons au Sénégal ayant fait flamber les prix sur le marché, Dr Abdrahmane Wane a invité « l’État et le secteur privé à investir » davantage dans les infrastructures de stockage. Car, a assuré le représentant régional d’ILRI, « des sites de conservation auraient permis de gérer la production et de lister les paramètres de marché (prix, volume…) de sorte à ce qu’il n’y ait pas les hausses de prix observées » pour l’oignon durant cette période.
« Dans les exploitations rurales, des solutions innovantes, perçues comme de la technologie ou des changements de pratiques, d’organisations… peuvent être trouvées afin de permettre aux cultivateurs de subir moins de pertes post-récolte », a suggéré M. Wane, au niveau micro.
Quatre panels autour des thèmes « la perspective de genre dans le développement de projets agricoles », « la structuration de filière comme moyen stratégique de lutter contre les pertes post-récolte », « l’utilisation des données et du digital comme levier d’innovation pour réduire les pertes post-récolte » et « le soutien et le financement de l’innovation agricole » ont rythmé les deux jours de réflexion à l’initiative du CGIAR.
L’oignon, vedette du hackathon
Le premier prix du Sen AgriHack 2023 a été remporté par le projet Aar Sunu Soblé. L’équipe gagnante du hackathon, ayant reçu une récompense de 5000 dollars, a présenté « une solution innovante aux pertes post-récolte dans la chaîne de valeur de l’oignon au Sénégal ». Il s’agit de la fabrication et de la commercialisation « de sacs en fibres de coton et en poudre de tiges de mil, offrant une alternative écologique aux sacs en polypropylène. Ces sacs présentent des propriétés d’isolation thermique et de barrière à la lumière grâce au coton, et des propriétés de déshydratation grâce à la poudre des tiges de mil. L’utilisation novatrice des tiges de mil, riches en silice, représente une avancée significative dans la conservation des bulbes d’oignons ».
Le projet Fawru Remobe occupe la deuxième place du classement « pour sa solution innovante de greniers de stockage bioclimatiques à base de terre et d’argile pour la conservation durable des oignons dans les villages de production au Sénégal ». Crédité de 3000 dollars, il « met en avant sa construction écologique et respectueuse de l’environnement, offrant une longue durée de stockage allant de 3 à 5 mois, et une adaptation à la chaleur avec un gain de température de 15° par rapport à l’extérieur. Il prend également en compte les besoins spécifiques des femmes en adaptant les caisses de stockage à leurs quantités de production habituelles et en mettant en place un système de prêt de stockage pour celles souhaitant conserver leurs produits ».
Le troisième prix, attribué à SEN TRANS’INNOV, porte sur « une solution innovante de transformation de produits naturels locaux en barres alimentaires nutritives. En combinant des arachides, de la mangue déshydratée, de la poudre de baobab, de la poudre de moringa et du miel, ce projet apporte une réponse efficace aux pertes dans les chaînes de valeur céréalières, protéiques et horticoles ». Ce projet, bénéficiaire d’un financement de 2000 dollars, « propose un produit pratique, riche en nutriments, qui peut être conservé jusqu’à 6 mois, dans un emballage original et biodégradable. Il se concentre sur l’autonomisation des femmes et comprend la formation, l’amélioration des compétences, l’augmentation des revenus et l’amélioration de l’état nutritionnel ».
ID/ac/APA