De notre envoyé spécial : Abdourahmane Diallo
Le paysage des Systèmes de Paiement Instantané (SPI) en Afrique n’est pas encore optimisé pour répondre de manière inclusive aux besoins des utilisateurs finaux ou pour créer des modèles commerciaux durables à faibles coûts, affirme le nouveau rapport d’AfricaNenda publié mercredi 8 novembre à Addis-Abeba.
Le constat est sans équivoque. « Nous avons encore un long chemin à faire pour une transformation numérique qui ne laisse personne de côté ». Ce mercredi, dans la capitale éthiopienne, la Directrice générale adjointe d’AfricaNenda, Sabine Mensah, n’a pas pris de gants pour rappeler les efforts à fournir en vue d’impliquer les quelque 400 millions d’Africains encore exclus des systèmes financiers du continent.
En effet, selon les données de la deuxième édition du rapport annuel sur l’état des lieux des systèmes de paiement instantané inclusifs en Afrique, plus connu sous le nom de « Rapport SIIPS », diffusé ce 8 novembre, la plupart des SPI opérationnels n’ont atteint, à ce jour, qu’un niveau élémentaire d’inclusivité. La raison est qu’ils offrent une fonctionnalité de canal minimal et les transactions de particulier à particulier (« P2P ») et de particulier à entreprise (« P2B ») sont les seules qui sont prises en charge.
Le rapport précise que seuls neuf pays du continent ont accès à des systèmes de paiement instantané inclusifs (SPII) au stade avancé. Il s’agit des trois systèmes nationaux au Ghana, au Malawi et en Zambie et d’un système régional, GIMACPAY, dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
« La plupart des SPI n’offrent encore qu’un nombre restreint de cas d’utilisation ou ne permettent pas, pour l’heure, d’accéder aux canaux préférés des utilisateurs. Ce n’est qu’en prenant en charge tous les cas d’utilisation liés à la vente au détail par le biais d’un ensemble étendu de canaux et d’instruments, proposés à un coût minimal, que les SPI pourront encourager les flux de vente au détail, y compris les envois de fonds personnels, les décaissements gouvernementaux et les paiements des petites entreprises : autant d’éléments nécessaires pour que les SPI prennent de l’ampleur et posent les bases de l’Infrastructure Publique Numérique (IPN) », expliquent les auteurs du rapport.
De la nécessaire harmonisation des réglementations
Le Rapport SIIPS 2023 indique que, de 29 en 2022, le nombre de SPI sur le continent est passé à 32 suite au lancement des SPI en Éthiopie, au Maroc et en Afrique du Sud. Rien que pour les six premiers mois de cette année, ces différents systèmes ont effectué 32 milliards de transactions évaluées à 1,2 billion de dollars.
Bien que reluisant, ces volumes de transactions pourraient être largement dépassés s’il existait une étroite collaboration entre les différents systèmes. Sur les 32 en effet, 29 sont des systèmes pays et seulement trois ont une envergure régionale. Des obstacles réglementaires se dressent ainsi tout au long de la chaîne de valeur des paiements de détail transfrontaliers, note le document.
La complexité des paiements transfrontaliers ne se limite pas aux juridictions impliquées dans l’envoi et la réception des fonds. Les acteurs opérant dans plusieurs juridictions doivent se conformer à toutes les exigences de chaque pays. Une source d’incertitude quant aux lois, réglementations et pratiques qui s’appliquent ou qui prévalent, en particulier lorsque les lois entre les juridictions se contredisent. D’où la nécessité de travailler à une harmonisation des réglementations au niveau régional, mais aussi continental.
« Il nous faut une harmonisation des textes règlementaires et une harmonisation des systèmes d’identifications des clients pour permettre de faciliter les transactions transfrontalières. De même, il nous faut des systèmes et des processus qui permettent à l’innovation que nous voyons se développer dans certains pays de pouvoir migrer partout sur le continent. Car, pour que le potentiel de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) se réalise et que nous fassions le commerce transfrontalier, il faut qu’il y ait des systèmes de paiement qui permettent de payer partout, à tout moment, et où que nous soyons en Afrique », a indiqué Mme Mensah.
Cette harmonisation nécessitera une formulation des politiques aux niveaux régional et national, l’alignement des cadres réglementaires avec des approches raisonnablement compatibles avec les tolérances techniques et les tolérances au risque respectives des pays. A ceux-ci, s’ajoute l’établissement de directives sur les services de paiement et la conclusion d’accords commerciaux en tant qu’outils formels permettant d’obtenir des résultats d’harmonisation à plus long terme.
Des perspectives prometteuses
Plusieurs SPI nationaux et régionaux sont en cours de développement. S’ils parviennent à être lancés, le paysage des SPI sera alors bien plus saturé. Dix-sept pays du continent développent un SPI national alors que seuls deux d’entre eux sont en mesure d’être considérés comme nouveaux par rapport au Rapport SIIPS2022. Il s’agit des SPI en Algérie et en Tunisie, relève le document.
En outre, trois SPI régionaux sont en cours de développement et ont élu domicile sur le marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa, sigle anglais) dans la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).
Le SPI du Comesa prévoit de desservir 22 pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est et de faciliter les paiements intrarégionaux. « Le marché africain des paiements numériques est entré dans une nouvelle ère. Il existe d’importantes possibilités de stimuler les paiements numériques et d’accélérer l’interopérabilité entre tous. Plusieurs tendances du marché, des systèmes et des consommateurs façonneront l’évolution du paysage des SPI et leur capacité à gagner en importance dans tous les pays et toutes les régions », conclut le rapport.
ARD/odl/te/APA