Le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, a déclaré mardi 10 octobre sur son compte X (précédemment Twitter) avoir eu un entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine.
L’axe Moscou – Bamako est plus que jamais solide. Depuis son arrivée à la tête du pays à la suite d’un double coup d’Etat militaire en août 2020 et mai 2021, le président de la transition du Mali n’a pas caché sa proximité avec la Russie. Ce rapprochement se fait au grand détriment de la France, l’ancienne puissance coloniale et jusqu’alors partenaire occidental privilégié de cet Etat sahélien attaqué de toutes parts par des groupes jihadistes et qui a engagé récemment une reconquête de certaines parties du territoire occupées par des rebelles indépendantistes, particulièrement au nord du pays avec la ville stratégique de Kidal.
Ainsi, dans une nouvelle conversation téléphonique avec le dirigeant russe, le colonel Assimi Goïta a indiqué avoir passé en revue les domaines de coopération bilatérale qui mettent un accent particulier sur les domaines économiques, sécuritaires et de lutte contre le terrorisme. Il affirme également avoir dit sa « reconnaissance pour tout le soutien que la Russie apporte au Mali ».
De son côté, le président de la Fédération de Russie a indiqué avoir discuté avec son homologue malien « de la mise en œuvre des accords conclus lors des négociations du sommet Russie-Afrique de juillet à Saint-Pétersbourg ».
Ces derniers temps, les entretiens entre les deux hommes sont fréquents. La dernière fois qu’ils se sont parlé par téléphone remonte au 10 septembre dernier. Au cours de cet entretien, le président russe n’avait pas manqué d’exprimer ses « condoléances » suite à l’attaque terroriste survenue le 7 septembre contre le bateau « Tombouctou » faisant des dizaines de victimes civiles et militaires.
Vladimir Poutine avait indiqué aussi que la Russie considérait le Mali comme l’un des partenaires clés de la région du Sahel et partageait l’intérêt de porter les relations bilatérales à un niveau qualitativement nouveau.
Depuis l’arrivée au pouvoir des dirigeants actuels de la transition au Mali, les relations avec la Russie se sont renforcées. Soupçonnant les nouvelles autorités maliennes d’avoir fait la part belle aux « mercenaires du groupe privé (russe) Wagner » (dont les méthodes sont controversées) qui interviendraient militairement au Mali dans la lutte contre le jihadisme, les Occidentaux avaient décidé d’arrêter leur partenariat dans le domaine militaire et sécuritaire avec Bamako.
Le Mali, qui continue de soutenir que les militaires russes présents au Mali sont des « instructeurs » déployés dans le cadre de la coopération bilatérale, n’a pour autant pas renoncé à ce rapprochement, le consolidant et le renforçant davantage.
En outre, certains soupçonnent même le Mali de vouloir aider le Niger, dirigé par une junte militaire depuis le 26 juillet dernier, d’emprunter la même voie que lui. D’ailleurs, cet entretien téléphonique entre Goita et Poutine intervient quelques jours après la réception à Bamako d’Ali Lamine Zeine, le Premier ministre nommé par le général Abdourahamane Tiani, le chef de la junte nigérienne.
Quelques jours plus tôt, c’était au tour de l’ambassadeur de la Fédération de Russie auprès du Niger avec résidence à Bamako, Igôr Gromyko, de rendre une visite à Niamey où il a rencontré les principaux responsables de la junte de ce pays alors que ces derniers ne sont pas reconnus par la communauté internationale et les organisations régionales dont la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao).
C’est dire que le rapprochement dans ce sens est à l’ordre du jour aujourd’hui que le Niger est boudé par de nombreux partenaires traditionnels dont récemment les Etats-Unis d’Amérique qui ont officiellement reconnu le coup d’Etat perpétré dans ce pays sahélien, rompant ainsi la plus grande partie de leur coopération avec Niamey. Il y a même le risque de voir les troupes américaines stationnées dans ce pays emboîter le pas à la France en se retirant.
Le Niger n’a pas été autorisé également à participer aux Assemblées annuelles 2023 du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui se tiennent du 9 au 15 octobre à Marrakech, au Maroc. La même situation s’est passée il y a quelques jours à New-York où la délégation nigérienne a été empêchée d’assister à la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies qui s’est tenue du 19 au 23 septembre dernier.
En riposte aux nombreuses mesures coercitives prises contre eux, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont ratifié à la mi-septembre la Charte dite du « Liptako Gourma » instituant l’« Alliance des États du Sahel » (AES). Elle est destinée à renforcer les efforts mutuels des trois pays du Sahel, qui sont les plus durement frappés par les violences jihadistes dans la région, dans la lutte contre le terrorisme, la rébellion et éventuellement la menace d’intervention militaire au Niger.
En effet, la Cédéao continue de la brandir pour un retour à l’ordre constitutionnel à travers la réhabilitation du président renversé Mohamed Bazoum. Les nouvelles autorités nigériennes devront ainsi confirmer si elles sont en mesure de tenir face à toutes ces pressions qui ne cessent de resserrer l’étau autour d’elles, ne leur laissant aucun répit.
MD/odl/te/APA