Alors que les juntes ouest-africaines peinent à trouver une légitimité auprès de la communauté internationale, le président de la transition guinéenne a tenté de porter la voix de l’Afrique devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Plus de deux semaines après avoir célébré le deuxième anniversaire de sa prise de pouvoir en Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya s’est présenté jeudi à la tribune de l’Organisation des Nations unies (Onu), dans le cadre de la 78ème session de l’Assemblée générale de l’institution basée à New York, aux Etats-Unis. Tout de blanc vêtu devant les dirigeants du monde, le président de transition guinéen a essayé de justifier la légitimité des coups d’Etat qui se sont multipliés ces trois dernières années sur le continent, en Afrique de l’ouest plus spécifiquement.
« Je souhaite que l’on retienne bien que les vrais putschistes, les plus nombreux, qui ne font l’objet d’aucune condamnation, c’est aussi ceux qui manigancent, qui utilisent la fourberie, qui trichent pour manipuler les textes de la constitution afin de se maintenir éternellement au pouvoir. C’est ceux en col blanc qui modifient les règles du jeu pendant la partie pour conserver les rênes du pays. Voilà les putschistes les plus nombreux », a déclaré Mamadi Doumbouya, ancien chef des forces spéciales en Guinée où il a dirigé le 5 septembre 2021 le commando qui a renversé le président démocratiquement élu Alpha Condé.
Ce dernier venait d’être réélu en 2020, à 82 ans, à la suite d’une révision constitutionnelle controversée lui permettant de briguer un troisième mandat que d’aucuns qualifient de « coup d’Etat institutionnel ». Les péripéties menant à sa réélection au premier tour, avec 59,5 % des suffrages, ont été jalonnées de manifestations de l’opposition violemment réprimées. L’ancien président octogénaire est destitué onze mois plus tard et se trouve à présent en exil en Turquie.
Responsabilités et « infantilisation »
« Nous avons décidé de prendre nos responsabilités pour éviter à notre pays un chaos complet, une situation insurrectionnelle », s’est défendu Mamadi Doumbouya, rappelant que, malgré les « dérives » de l’ancien régime, « aucune force politique, toutes complètement neutralisées à l’époque, n’avait le courage et les moyens de mettre un terme à l’imposture que nous vivions ».
Dans ces conditions, « la rectification institutionnelle à laquelle mes frères d’armes et moi avons pris nos responsabilités le 5 septembre 2021 n’était qu’une conséquence de cette situation de chaos qui avait fini par fissurer le tissu social et mettre à mal le vivre ensemble », a-t-il expliqué.
Alors qu’il a refusé d’appliquer les sanctions de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) et d’autres organisations internationales contre les juntes malienne, burkinabè et nigérienne, le dirigeant guinéen a indiqué que les transitions qui sont en cours en Afrique sont dues à plusieurs facteurs dont « les promesses non tenues, l’endormissement du peuple, le tripatouillage des constitutions par des dirigeants qui ont pour seul souci de se maintenir indéfiniment au pouvoir au détriment du bien-être collectif ».
Cependant, « les peuples africains sont plus que jamais éveillés et décident de prendre leur destin en main », a rappelé l’ancien légionnaire français avant de tirer sur le modèle de gouvernance imposé à l’Afrique qui « n’est pas adapté au continent ».
« C’est le moment de prendre en compte nos droits, de nous donner notre place. Mais aussi et surtout le moment d’arrêter de nous faire la leçon, d’arrêter de nous traiter comme des enfants. Rassurez-vous, nous sommes suffisamment grands pour savoir ce qui est bien pour nous. Nous sommes suffisamment matures pour définir nos priorités, pour concevoir notre propre modèle qui correspond à notre identité, à la réalité de nos populations, à ce que nous sommes tout simplement », a lancé Mamadi Doumbouya devant la communauté internationale.
ASD/odl/te/APA