Le livre, ayant valu à l’écrivain sénégalais de 33 ans le prix Goncourt en 2021, a été traduit en 38 langues.
C’est un best-seller. Le succès de « La plus secrète mémoire des hommes » est planétaire. Deux ans après la parution du livre aux éditions Philippe Rey, son auteur en tire un bilan satisfaisant : « Il s’est vendu à plus de 570.000 exemplaires (en grand format, hors « Poche », donc) en France. Dix-huit pays (sur les trente-deux qui décernaient des Goncourt étrangers cette année-là) l’ont choisi comme lauréat de leur prix. Dans tous les pays où je suis allé – une vingtaine, ces deux dernières années – il a, globalement, reçu un accueil très favorable et a même figuré sur quelques listes des meilleures ventes », a détaillé Mohamed Mbougar Sarr, sur son compte Facebook.
Toutefois, a nuancé M. Sarr, « cela ne signifie naturellement pas qu’il échappe, dans ces pays, à des critiques négatives, à des éreintements féroces, à des réserves, à des rejets, à des perplexités, à des indifférences : c’est l’évidence même qu’aucun livre, quel que soit le lieu, n’emporte l’absolue unanimité critique. Et tant mieux. »
Attraction de la rentrée littéraire française de 2021, Mohamed Mbougar Sarr a habilement décrypté les données de la commercialisation de son œuvre. « Je n’évoque pas ces chiffres par fierté, arrogance ou vanité. Bien que je ne les ignore pas totalement, les chiffres (notamment ceux des ventes) n’ont jamais été et ne seront jamais, pour moi, un critère de valeur littéraire d’une œuvre. Ce qui m’intéresse ici, c’est plutôt le démenti que les chiffres de cette réception (en France et à l’étranger) adressent aux a priori de réception qu’on peut avoir sur la destinée de certains livres, qu’on classe avant, après ou sans les avoir lus ; a priori que j’ai moi-même pu nourrir, sur la foi d’obscurs raisonnements », a-t-il ajouté.
L’auteur « De purs hommes », « Terre ceinte » et « Silence du chœur » le sait mieux que quiconque. Le sort heureux de « La plus secrète mémoire des hommes » était loin d’être une évidence. « Je ne suis pas sûr, en août 2021, au moment où le livre venait de sortir, que beaucoup de personnes auraient misé sur ces chiffres-là. Nous en parlons encore avec mes éditeurs, et nous rappelons combien, au tout début, par sa simple forme, et les conjectures de réception qui lui étaient attachées, le roman avait pu susciter une sorte de scepticisme ou de moue dubitative chez certains lecteurs professionnels (pas tous, heureusement : d’autres l’ont immédiatement porté et défendu, et je leur en serais éternellement reconnaissant) », a expliqué le romancier sénégalais.
« Ils disaient quelque chose comme : “ c’est peut-être un peu trop littéraire ” ; “ ça demande peut-être un peu trop des lecteurs… ” ; “ c’est trop intello comme roman, difficile de le mettre en valeur ” ; “ c’est un peu trop spécifique comme livre, vous savez, c’est de la littérature africaine… ” ; “ est-ce que les gens ont vraiment envie de lire ça, après la pandémie dont nous sortons à peine ? ”. Nous l’avons entendu. Nous y avons même un peu cru. À un certain moment, je m’étais résigné à ce que le livre ne touche qu’une sorte “ d’élite ”, et jouisse d’une réception qui n’excède pas les limites d’une simple “ communauté ”, quelle que fût sa nature », a rappelé Mohamed Mbougar Sarr, formé notamment au Prytanée militaire de Saint-Louis (Nord).
In fine, « l’aventure de La plus secrète mémoire des hommes est pour moi une occasion de rappeler ceci : il faut toujours suivre le chemin de sa propre exigence intérieure : exigence de forme, de langue, de composition, de travail, de liberté. C’est l’ambition qu’il faut avoir : refuser la médiocrité qui consisterait à tenter d’ajuster, en écrivant, ou avant même d’avoir écrit, ses phrases au patron d’une tendance présumée, d’un filon commercial. Aller vers le cœur du travail littéraire et du tribut qu’il exige, d’abord et toujours. Le reste, nul n’en sait jamais rien avec certitude. Et tant mieux. L’essentiel n’est pas là », a soutenu M. Sarr.
ID/APA