La décision du président sénégalais de ne pas briguer un troisième mandat a suscité moult réactions dans le monde.
Longtemps interrogé sur son éventuel troisième mandat, le président Macky Sall a surpris son monde en décidant lundi 3 juillet de ne pas se représenter en 2024. Cette décision, qui laisse un goût d’inachevé chez plusieurs de ses partisans, a été saluée par plusieurs de ses adversaires au Sénégal comme l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall ou l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. L’annonce a également été vécue comme un soulagement par de nombreuses personnalités dans les cinq continents, particulièrement en Afrique et en Europe.
Umaro Sissoco Embalo, président de la Guinée-Bissau et de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), affirme notamment s’être longuement entretenu au téléphone avec son « grand frère » et homologue sénégalais dont il « salue avec fierté sa décision courageuse de grand Homme d’Etat ». Pour lui, « on peut succéder à Macky Sall, mais il est difficile de le remplacer ».
Le président comorien, Azali Assoumani, n’a pas encore réagi sur le choix de son prédécesseur à la tête de l’Union Africaine (UA) de ne pas briguer un troisième mandat dans son pays. Mais le président de la Commission de l’Union africaine (CUA), Moussa Faki Mahamat, l’a fait promptement en louant « la décision sage et salutaire » de Macky Sall. « J’exprime mon admiration au grand homme d’Etat qu’il est d’avoir privilégié l’intérêt supérieur du Sénégal et de préserver ainsi le modèle démocratique sénégalais qui fait la fierté de l’Afrique », a poursuivi le diplomate tchadien.
Porte-flambeau
Le président nigérien Mohamed Bazoum, qui a fait une partie de ses études universitaires à Dakar, a paru très touché par le geste de son homologue sénégalais, avant de formuler « le vœu que cette décision mûrement réfléchie apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère ». Il rappelle implicitement les événements de juin dernier qui ont conduit à la mort d’au moins seize personnes après les émeutes déclenchées par la condamnation à deux ans ferme d’Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor (sud) et opposant très populaire au sein de la jeunesse sénégalaise, classé troisième à la dernière présidentielle avec plus de 15% des suffrages, dans son procès contre la masseuse Adji Sarr.
Je salue l'annonce faite ce soir par le président @Macky_Sall du Sénégal. Je formule le vœu que cette décision mûrement réfléchie apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère. #MB
— Mohamed Bazoum (@mohamedbazoum) July 3, 2023
Mahamadou Issoufou, le prédécesseur de Mohamed Bazoum qui ne s’était pas représenté en 2021 après ses deux mandats, a noté ainsi que la décision du président Sall était « d’une grande intelligence politique » parce qu’elle permet surtout au le Sénégal de « rester un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire notre continent ».
La France, dont les implications politiques sont souvent décriées par certains acteurs dans les pays francophones du continent, a réagi ce mardi par une courte déclaration. Paris « salue la décision du président Macky Sall de ne pas se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. Le Sénégal démontre à nouveau la solidité de sa longue tradition démocratique », a écrit le Quai d’Orsay, le ministère français des Affaires étrangères.
Ernest Bai Koroma, ancien président de la Sierra Leone, un pays ouest-africain qui a réélu le 27 juin dernier son successeur Julius Maada Bio pour un second mandat, a également félicité Macky Sall, « un vrai champion de la paix et de la démocratie » qui a offert un « moment de fierté pour l’Afrique de l’Ouest ».
Parmi les hommes de médias, Marwane Ben Yahmed, directeur de publications du célèbre magazine Jeune Afrique, a dit « bravo » et « merci Macky Sall » pour cette « petite leçon de démocratie aux voisins dirigés par des hommes en treillis… », allusion à la Guinée, au Mali ou encore au Burkina Faso.
« Rien n’est joué »
En revanche, certaines personnalités telles que l’activiste panafricain d’origine béninoise, Kémi Séba, préfèrent rester sur leurs gardes parce que c’est une « décision salutaire d’un Macky Sall contraint de se retirer de la course aux présidentielles, compte tenu du climat sociopolitique sénégalais ».
« Il serait profondément naïf que de penser que suite à ce revirement du président en exercice, le courant souverainiste sénégalais a gagné. Il va y avoir malheureusement dans les mois à venir une recomposition spectaculaire du camp de l’opposition, et des tractations appuyées entre des opposants déclarés d’antan et le camp de Macky. Ceux qui étaient tous alliés hier contre l’hypothèse d’un 3ème mandat vont se retrouver adversaires à couteaux tirés, à la veille des élections, et Macky Sall va tout faire pour en tirer avantage. Vigilance donc, car malheureusement, la Françafrique n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire, en ce moment même, elle se régénère », a-t-il motivé ses doutes.
C’est presque la même conviction que le célèbre islamologue suisse d’origine égyptienne, Tariq Ramadan, a sur l’annonce du chef de l’Etat sortant sénégalais, prévenant que « rien n’est joué ni gagné » par les partisans du respect de la Constitution et de la transparence démocratique.
« Les dernières manœuvres politiciennes montrent que l’avenir du Sénégal se joue derrière la scène, et pas uniquement au Sénégal. La vigilance s’impose, car ce qui vient pourrait être pire que ce qui a été évité. Il appartient au peuple sénégalais de ne pas verser dans la naïveté en se souvenant de l’Histoire : combien de fois a-t-on trompé les peuples en leur faisant croire à un avenir radieux, puisqu’on les avait débarrassés d’un mal… pour leur préparer de sombres lendemains ? Les semaines et les mois prochains seront décisifs », a prophétisé M. Ramadan à sept mois de l’élection présidentielle au Sénégal.
ODL/ac/APA